Littéralement de l’autre côté du globe, sur une île du Pacifique au large de Vancouver, un vieil homme fourrage joyeusement dans des piles de livres, des tas de feuilles et de carnets. Tout en indiquant de grands rouleaux de papier japonais en fibres de mûrier, derrière un imposant totem, il remet la main sur un leporello qu’il déplie en faisant tomber autre chose, des formes colorées s’y imbriquent les unes dans les autres, comme vivantes, et puis non, «Attendez il faut que je vous montre !» et c’est une grande toile qui surgit d’un rayonnage. Un dessin à l’encre noire cette fois, souple et symétrique. Sur l’écran minuscule du téléphone, on ne voit pas les détails, mais Michael Nicoll Yahgulanaas se campe à côté de sa toile, suit les lignes avec les mains, danse avec les motifs, «Vous voyez ? Ça coule». On pourrait dire qu’il est auteur de bande dessinée mais ce serait enfermer son travail dans une case bien trop étroite.
Né en 1954, «MNY» est originaire du peuple autochtone des Haïdas, et plus particulièrement d’une très ancienne lignée d’artistes, il a été forestier puis activiste, politiquement impliqué pour sa communauté sur l’archipel de Haïda Gwaii (anciennement îles de la Reine-Charlotte), pour l’environnement aussi… Après près de trente ans d’engagement forcené, au début des années 2000, il revient à sa première passion : le dessin. Depuis, il raconte des histoires, légendes familiales, contes traditionnels, expérimente avec la forme jusqu’à trouver cel