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Libération
Disparition

Mort de Job, père de «Yakari», l’ami des petits et des tipis

André Jobin, le scénariste des célèbres aventures de bande dessinée du petit indien, est mort à l’âge de 96 ans, ont annoncé les éditions du Lombard ce mercredi 9 octobre.
André Jobin. (Le Lombard)
publié le 9 octobre 2024 à 15h57

Soudain, nous sont revenues des images de liberté : le vent, la prairie, un papoose qui court entre les herbes ou qui galope, juché sur son meilleur ami, un cheval noir et blanc à la crinière jaune nommé Petit Tonnerre. A l’annonce ce mercredi 9 octobre par les éditions le Lombard de la mort de Job, André Jobin de son vrai nom, à 96 ans, c’est tout un pan de nos lectures de jeunesse qui a ressurgi de nos souvenirs. Le scénariste suisse avait créé en 1969 avec le dessinateur Derib l’une des plus célèbres séries pour enfants de la bande dessinée francophone : Yakari. Les aventures du jeune sioux de la tribu Lakota ont accompagné des générations de gamins, jusqu’à aujourd’hui, la série étant toujours en cours, à son 42e tome, et adaptée en dessin animé, long-métrage, roman, jeu vidéo, etc.

Harmonie avec la nature

Reprenant l’univers fantasmé de l’ouest américain comme nombre de collections de l’après-guerre (Lucky Luke, les Tuniques Bleues, Blueberry, etc.), Yakari s’est toujours distingué par sa dimension pacifiste, écologique, antispéciste. Dans les albums, les personnages vivent en harmonie avec la nature, jouent et s’entraident. S’ils doivent parfois affronter des bêtes hostiles, comme le grizzly ou le facétieux pélican, cela se termine toujours bien. Il faut dire que Yakari a le don de parler aux animaux, ce qui aide, secret connu seulement de son amie Arc-en-Ciel.

«Yakari est un enfant qui aime les animaux, comme moi, disait Job au Midi Libre, en 2020. C’est un aventurier, un petit garçon qui n’a jamais rencontré l’homme blanc, qui ne connaît que les Sioux. Il est malicieux, débrouillard, bienveillant, épris de justice, fidèle en amitié, il n’a pas d’ennemis.» Celui qui «n’avait jamais voyagé aux Etats-Unis» avait fait du territoire de son héros un petit paradis, avant qu’il ne soit ravagé par la colonisation. Avec Dominique à la couleur, les deux auteurs ont eu le mérite de familiariser des jeunes lecteurs et lectrices à des bouts de culture amérindienne, comme le fameux pemmican mangé dans nos souvenirs une page sur trois et à la faune et la flore d’Amérique du Nord, parfois mythique, comme le fameux Nanabozo, le lapin farceur.

Rassemblement jurassien

C’est Dérib, le dessinateur, qui avait eu l’idée du personnage Yakari, resté de longues années dans ses cartons avant qu’il ne rencontre Job. Journaliste de formation et militant pour le Rassemblement jurassien, association autonomiste et séparatiste suisse réclamant la réunification de toutes les composantes jurassienne et la séparation avec le canton de Berne, André Jobin dirige alors le Crapaud à Lunettes, un hebdomadaire jeunesse s’inspirant du journal Tintin. Après une première série sur un hibou savant, les Aventures de Pythagore et Cie, les deux compères se lancent dans Yakari. Job accepte l’idée à deux conditions, précise Le Lombard : «Que le jeune héros reste toujours un enfant de la nature sauvage, et que les intrigues ne tombent jamais dans les poncifs du western.» «Je ne voulais pas utiliser […] la diligence, le shérif, les armes et tout ça : Yakari est un enfant, un innocent. Il est même non-chasseur», disait Job, en 2013.

Le succès est tel qu’un magazine finit par être créé au nom du personnage principal et que les albums conquièrent la France, la Belgique et sont traduits dans une vingtaine de langues. Récompensé deux fois du Prix Jeunesse au festival d’Angoulême, en 1982 et 2006, Job a continué d’écrire les scénarios de Yakari jusqu’en 2014 laissant ensuite le flambeau à Joris Chamblain. Ce soir, nul doute que les castors du Dakota, sur leur barrage, taperont de leur queue en rythme pour lui rendre hommage.