Fante Bukowski. Voilà un héros qui part avec deux boulets mastoc aux pieds, et le pire, c’est qu’il ne peut s’en prendre qu’à lui-même, et le pire du pire, c’est qu’il ne voit même pas où est le problème. En réalité, il s’appelle Kelly Perkins. La vie, cette chienne, l’a fait naître dans une famille sans histoires et plutôt aisée, son père est avocat, sa mère très aimante, mais le train-train bourgeois lui fout la gerbe car il est poète, et pour le prouver au monde, il adopte ce pseudonyme de fils-spirituel-de comme un lycéen qui expose au monde le fond de son âme tourmentée en griffonnant les noms de ses groupes fétiches sur son sac à dos : Fante Bukowski.
«J’ai lu tous les livres de Bukowski. Il a changé ma vie, alors j’ai changé mon nom», confesse-t-il avec gravité à Audrey, une écrivaine qui le drague. «C’est le pire truc que j’aie jamais entendu», rétorque-t-elle sans pour autant se laisser échauder par le ridicule affligeant de cette posture, car elle a vraiment envie de mettre cet énorme balourd dans son lit. On prendra exemple sur elle (laisser sa chance au balourd) pour aborder ce magnifique pavé de près de 450 pages, anthologie de la série en trois tomes publiés entre 2015 et 2018 par l’auteur américain Noah Van Sciver chez Fantagraphics.
Une trajectoire sinueuse comme la vie
Par son simple nom, le personnage est écrit d’avance, le cliché résumé dès la toute première page : «éc