Ils étaient venus pour gagner. Tsubasa Ozora, alias Olivier Atton, et son équipe vont raccrocher les crampons au terme d’une épopée footballistique de quarante-trois ans ayant tenu en haleine des lecteurs du monde entier à coups de tacles acrobatiques et de lucarnes spectaculaires. Pas «toujours en forme», contrairement à ses personnages, le mangaka Yoichi Takahashi, 63 ans, a annoncé ce vendredi 5 janvier, dans la dernière édition du magazine Captain Tsubasa, dans lequel il était prépublié, que la série connue sous le nom Olive et Tom en France s’arrêterait début avril, invoquant la dégradation de son état de santé et l’évolution de l’industrie du manga.
«Cette décision n’a pas été facile à prendre et pourrait décevoir et attrister ceux qui aiment lire Captain Tsubasa, mais j’espère que vous comprendrez ma décision», a-t-il écrit dans une lettre à ses lecteurs. Takahashi a déclaré que ses personnages continueraient à exister sous une forme différente.
Adapté dans un animé diffusé dans plus de 100 pays, mais aussi en jeux vidéo, le manga Captain Tsubasa avait été publié pour la première fois en 1981 dans l’hebdomadaire japonais de référence Weekly Shonen Jump. Il s’est vendu dans le monde à quelque 90 millions d’exemplaires, selon le site spécialisé Mangazenkan. Si le manga principal (et original) s’est clôturé en 1988 après 37 volumes, comme de nombreuses autres franchises populaires telles que Dragon Ball, les aventures de Tsubasa Ozora se sont déclinées depuis en six séries régulières, dont la dernière en date s’intitule Captain Tsubasa : Rising Sun The Final. Dans ce nouvel arc, Olivier Atton tente de décrocher une médaille d’or aux JO de Madrid.
Une œuvre pour populariser le foot
Véritable phénomène de la culture pop ayant même poussé un étudiant à calculer la taille du terrain sur lequel jouent les équipes (18 km), la franchise, connue sous le nom de Holly e Benji en Italie et de Super Campeones en Amérique latine, a inspiré des statues dans le quartier natal de Yoichi Takahashi à Tokyo. Yoichi Takahashi, devenu accro au football en regardant à la télévision la Coupe du monde 1978, organisée et remportée par l’Argentine, avait déclaré en février 2023 à l’AFP avoir voulu via son œuvre populariser ce sport au Japon, où la J-League n’a été créée qu’en 1993. Il est également président et propriétaire d’un club de football, le Nankatsu SC, qu’il espère voir progresser. «En Europe, il est tout à fait naturel de soutenir son club local, mais nous n’avions pas cette culture au Japon», avait expliqué le mangaka à l’AFP, ajoutant : «Je n’avais pas de club local, alors j’ai voulu en créer un moi-même.»
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L’annonce de Yoichi Takahashi fait écho au mal-être d’une profession soumise à la pression constante de la sérialisation. Avant de voir leurs planches compilées en tomes reliés, les dessinateurs de mangas publient leurs séries en feuilletons dans des magazines le plus souvent hebdomadaires ou mensuels. Avec l’appui d’assistants, ces artistes placés sous le statut d’autoentrepreneur doivent parfois rendre jusqu’à 20 pages par semaine. France Culture rapportait dans un article publié en septembre que «selon une enquête conduite auprès de 1 275 dessinateurs, 20 % craignent de devoir abandonner leur métier ou l’ont déjà décidé, de peur que leurs revenus ne suffisent plus à se rémunérer eux-mêmes et payer les assistants. Plus de la moitié des assistants ne peuvent d’ailleurs déjà pas vivre sans un deuxième métier». En sus des publications papier, les mangakas doivent aussi gérer les multiples collaborations autour des animés, jeux vidéo, produits dérivés entourant leur œuvre et s’adapter à une numérisation croissante de leur secteur.