Il a d’abord reçu un appel, puis deux carabiniers sont arrivés sur le quai de la gare. Roberto Saviano avait été prévenu qu’en aucun cas il ne devait revenir à Naples en train ce jour-là. C’était le 13 octobre 2006. L’écrivain rentrait d’une rencontre autour de Gomorra. Son premier livre coup de poing, ce récit halluciné sur le poison mafieux de la Camorra et la gangrène criminelle qu’elle engendre avec ses trafics colossaux, ses corps suppliciés et sa jeunesse sacrifiée.
A lire aussi
Surtout, un mois plus tôt, à seulement 27 ans et avec une folle audace, il avait harponné les parrains du clan des Casalesi, en les nommant et en les pointant du doigt lors d’une réunion publique à Casal di Principe. Dénonciation suprême et humiliation maximale pour les boss. C’est alors que les messages et les menaces sont arrivés. Et c’est pourquoi les carabiniers sont sur le quai ce 13 octobre 2006. Ils embarquent Saviano, lui ordonnent de s’asseoir à l’arrière, place de droite, d’une voiture de police. «Si on vous tire dessus, quelqu’un doit servir de bouclier».
Roberto Saviano quitte alors la banalité quotidienne d’un jeune écrivain. C’en est fini des dernières insouciances de jeunesse et des premières réjouissances littéraires. Commence la «vita blindata». La vie sous protection militaire et policière. Elle n’a jamais cessé depuis seize ans, bientôt 6 000 jours. Sans comp