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Libé tout en BD

«Roxane vend ses culottes» de Maybelline Skvortzoff, c’est bon pour l’amoral

«Libé» tout en BDdossier
Derrière son trait soigné, la première BD publiée de la jeune autrice dissèque avec finesse les zones d’ombre et de perversité de son héroïne.
Planche issue de la BD «Roxane vend ses culottes» de Maybelline Skortzoff. (Ed TANIBIS)
publié le 26 janvier 2023 à 9h53

Cet article est publié dans le cadre du «Libé tout en BD», entièrement illustré par des dessinateurs et dessinatrices à l’occasion de l’ouverture du 50e festival d’Angoulême. Retrouvez tous les articles de cette édition ici, et le journal en kiosque ce jeudi 26 janvier.

L’objet est tout doux, couverture en nuances de bleu et de rose, carton matelassé au toucher soyeux, mou comme ces livres pour enfants à emmener dans le bain. On recommande cependant de ne pas le mettre entre les mains des gosses, car Roxane, non contente de vendre ses strings sales à des inconnus parfois dérangés, picole trop, consomme autant de drogues que Megg, Mogg et Werewolf Jones (les héros toxico-déviants de Simon Hanselmann) réunis et a une tendance alarmante à martyriser assez salement les garçons gentils. Au-delà de ses apparences tapageuses, cette première BD publiée de Maybelline Skvortzoff est un bijou de complexité humaine au rythme enlevé mais au trait soigné, avec ce quelque chose de légèrement trop méticuleux qui fige le mouvement et confère aux scènes une étrangeté flottante à la Clowes. L’histoire est simple, une jeune femme paumée quelque part dans sa vingtaine se lance un peu par hasard dans le commerce de ses sous-vêtements souillés, autant par nécessité financière («Besoin d’argent ? Vends ta culotte !» dit la pub sur PornHub) que par amour des expériences louches. Dans ses relations avec sa mère portée sur la bouteille, sa meilleure amie dévouée ou les mecs dont elle cherche la proximité avant de les repousser se nichent avec beaucoup de finesse les petites perversités d’une héroïne abîmée à force de dépasser les limites, aussi détestable qu’émouvante dans sa crainte d’être possiblement «une mauvaise personne». L’autrice, quasi-trentenaire, dit dans un podcast avoir «fait du sous-Crumb pendant des années» après la découverte épiphanique de Nausea et admire les auteurs qui «laissent entrevoir ce qu’il y a de plus pervers chez eux» comme Chester Brown ou Joe Matt. Roxane est une digne nièce de ces illustres tontons amoraux.

Roxane vend ses culottes de Maybelline Skvortzoff, éd. Tanibis, 128 pp, 19 €.