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Bande dessinée

«Sangliers», chagrin de beauté

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Lisa Blumen tisse un thriller parano en plongeant dans le quotidien d’une influenceuse make up prise au piège de la surexposition et torturée par le regard des autres.
Lisa Blumen ne donne à voir qu’un corps à la découpe : un bout de joue enduite de crème, une autre fardée, un sourcil redessiné. (Lisa Blumen/éd. L’employé du moi)
publié le 31 mai 2025 à 15h27

Sangliers est un livre tout rose. Imbibé de rose dragée, azalée, flamingo, rose jusqu’à l’os, jusqu’à l’écœurement, jusqu’à ce que le cocooning moelleux qu’on lui associe d’abord se change en une gangue étouffante, en brume parano. On y regarde quelques mois de la vie de Nina, influenceuse beauté, option maquillage. Une vie passée devant le miroir, à se regarder et se mettre en scène dans des vidéos où elle expose sa morning routine, dispense ses guidelines pour bien se démaquiller, dans un exercice d’équilibriste entre les produits qu’elle apprécie sincèrement et ceux qu’il s’agit de placer pour vivre («30 % de réduction avec le code Nina30»).

Triangle disgracieux

C’est par l’entremise d’un de ces vlogs qu’on entre en contact avec la jeune femme dont l’autrice, Lisa Blumen, ne donne à voir qu’un corps à la découpe : un bout de joue enduite de crème, une autre fardée, un sourcil redessiné. On la découvre par le biais du masque (beauté), par les préparatifs de quelque chose d’autre qu’elle-même, d’un idéal. A cette série de gros plans liminaires, répond une séquence de plans extrêmement larges qui présentent Nina hors caméra : silhouette distante, vautrée dans un survêt, trimballant un carton. Son visage entier ne nous est révélé que par l’horreur d