L’œuvre de Daisuke Igarashi s’incarne d’abord par les territoires qu’elle regarde. Par un étrange tour de l’esprit, on repense à chacun de ses livres en les situant. La campagne japonaise dans Petite forêt ; un village côtier pour les Enfants de la mer ; Angoulême et la vallée du Panshir dans l’ésotérique Saru. Sorcières, qui paraît aujourd’hui chez Delcourt – après être sorti chez Casterman en 2006 et 2007 –, prend vie dans l’agitation des marchés stambouliotes. Le Fuseau, premier thriller de cette série de nouvelles tissées autour de la figure de la shaman, diseuse de bonne aventure, cartomancienne jeteuse de sorts, met en scène une petite nomade confrontée à une malédiction séculaire. Istanbul s’y matérialise comme le point de friction entre le tintamarre du monde moderne, rationnel, et des chuchotements ancestraux.
Si Igarashi est l’un des plus impressionnants dessinateurs de la bande dessinée japonaise, c’est probablement parce qu’il parvient comme personne à écrire au plus près des sens. Il montre ce que l’on boit, ce que l’on mange, il donne à entendre le faux calme d’un quartier résidentiel et le vacarme d’un centre-ville bondé. Plus tard, dans une nouvelle située dans les en