Il n’y a rien de plus insupportable qu’un regard qui s’étire trop longtemps. Des yeux qui vous fixent et se figent, immobiles, jusqu’à sembler vide d’intention. Illisibles. C’est peut-être ce qu’il y a de plus perturbant dans Spa, bande dessinée pourtant traversée de toute part d’images bizarres et malaisantes. Plus que les cadavres qui pourrissent à même le plancher d’un appartement dans lequel un couple envisage la possibilité de s’offrir un petit week-end relax all-inclusive (fuir l’horreur du quotidien), plus que l’humidité méphitique qui suinte des murs de cet établissement de soin, plus que les formes étranges qui envahissent peu à peu les pages, ce qui est véritablement inquiétant, c’est cette façon qu’ont les personnages de scruter le lecteur.
Armée de minuscules prunelles
Comme s’ils s’étaient passé le mot. Le plus retors, c’est que la chose ne se remarque pas immédiatement. Quoi de plus banal que cet accueil surjoué par les employés lorsque le récit pénètre dans le spa. Même si l’on peine à comprendre à qui ils s’adressent exactement… Est-ce qu’ils tournent une pub un peu cheap ? Parlent-ils à des clients ou s’agit-il d’une démonstration à destination du nouveau salarié de la blanchisserie ? A moins que ça nous soit destiné ? Le premier livre du Suédois Erik Svetoft se donne à lire d’abord comme une satire de ces espaces consacrés au bien-être. Il appuie sur le comportement indécent d’ultrariches qui se prélassent devant un petit personnel au bout du rouleau, sur le ridicule des retraites