Il a une couille qui dépasse du caleçon et regarde des culs sur Instagram en allant chier après son Ricoré, mesdames et messieurs, sous vos yeux horrifiés : voici le Stupide mâle blanc. Probablement que si l’on se penchait sur son arbre généalogique, on découvrirait qu’il est le fils caché du Gros Dégueulasse, engendré sur un malentendu juste avant que le célèbre héros de Reiser se tranche les veines avec une boîte de cassoulet. En guise de bonnes fées rassemblées autour du berceau, sans nul doute un Vuillemin et un Choron qui auraient clopé comme des cochons et peut-être même vomi de la piquette sur le nouveau-né. Pas étonnant avec ce patrimoine que l’enfant soit totalement dérangé.
Stupide mâle blanc est le dixième livre en solo d’Eric Salch, qui s’est d’abord fait connaître sur Internet par feu son blog, Ma Life, compendium hilarant de la vie d’un branleur en banlieue parisienne, puis s’est nourri de toute la haine ordinaire de ce monde pour en extraire la substantifique moelle et la régurgiter dans des portraits de stéréotypes (chauffeur de taxi, fan de Star Wars, footballeur, esprit Canal, joueur de boules…) assortis d’annotations éructées comme dans un spasme de Tourette : «ourlets de fils de pute», «merde tribale», «bermuda d’éjaculateur précoce», «bottines en véritable cuir de trou du cul», on en passe et des pires. Les réseaux sociaux ont adoré – il y a sept ans, peu après son portrait du «Trou du cul 2014» qui lui valut son tout premier buzz, l’artiste envisageait encore de ne pas «essayer de surfer à tout prix sur la vague», mais heureusement pour sa carrière, c’est tout le contraire qui s’est produit. Ses odieuses caricatures ont depuis été rassemblées en deux tomes, Lookbook 1 & 2, chez Fluide Glacial.
Anti-héros à grand pif
Le titre un poil exaspérant de son nouvel ouvrage pouvait laisser présager un numéro de surf à gros sabots sur l’une des expressions du moment, le «mâle blanc», le fameux, le coupable de tous nos maux, mais c’était sans compter la folie furieuse de ce bougre de Salch qui a tout de même déjà consacré un bouquin entier aux états d’âme d’une chaussette sale (A même le sol). On y entre donc dans la vie privée de cet anti-héros à grand pif, clairement identifié comme «le dessinateur Eric Salch» pour ceux qui n’auraient pas suivi les aventures autobiographiques en BD de l’auteur.
Sauf que le récit du quotidien mute rapidement en fable trash menée à la manière d’un concours de ricochets. Comme d’habitude, Salch va faire ses courses au supermarché, il empoche quelques pièces pour la mendiante du Monop, et en deux pages la situation dégénère : voilà Zora la mendiante devant sa porte, elle aimerait prendre un bain, puis la voilà dans son lit, puis voilà son frère Brayanne le vendeur de jonquilles, puis voilà Mamé la grand-mère, tous réunis dans le salon de Salch, qui se retrouve à masser les pieds de la Mamé et s’écrie, dépassé par la situation : «On se croirait dans une de ces comédies françaises minables ! Manque plus que Christian Clavier là !»
Evidemment, l’acteur surgit dans le salon quelques cases plus loin – avant d’aller s’ouvrir les veines dans la baignoire, et de là, le récit n’en finira plus de dégénérer. Pour dire quoi ? Que par-delà les différences de couleur, de religion ou de classe sociale, tous les humains sont des pleutres, des pervers et des manipulateurs. Sans se préoccuper à aucun instant de questions de bon goût, de bienséance ou de bienveillance, Salch livre un conte amoral hyper violent et hyper jouissif, meilleur antidote possible à la saga consternante des Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ? et autres A bras ouverts.