«Marseille, je te kiffe.» La première phrase de ce récit graphique, qui commence lors d’une nuit noire et rose, annonce la couleur. Séquence suivante : baignée de lumière, toujours rose, une femme, Sarah, dort encore. L’héroïne de Sultana n’est pas pressée d’ouvrir l’œil sur sa vie de livreuse précaire et célibataire en mal d’enfant sous haute pression familiale. Mais les amis sont là, des bars de Belsunce à la Corniche. Ça chille sur les rochers, tout en dissertant sur le mal de vivre dans une ville où le soleil a l’air de clamer le contraire.
Sous le trait affirmé d’Elodie Lascar, dont c’est la première bande dessinée, avec Lili Sohn en coscénariste, la vie de la plantureuse Sarah oscille entre «mektoub de l’angoisse» – sa solitude, sa communauté, son «boulot de merde» – et promesse d’un possible – «je cherche un truc sérieux, pas juste un plan cul» – de plus en plus incertain. On suit la trentenaire entre ses livraisons de fast-food, ses apéros à la plage et son job d’appoint de promeneuse de chien («Depuis quand tu gardes des chiens, toi ? – Depuis que tous les Marseillais ont des clebs»), qui accumule dates Tinder ratés, mère juive envahissante et découragement total. Au gré des planches, les cases se superposent ou se fondent pour embrasser tous les axes de vision – écrans de portable compris – et les questions existentielles de l’héroïne : des images de l’encombrant héritage familial, toujours en embuscade, côtoient des