La bande dessinée japonaise perd une de ses légendes. Takao Saito, emporté par un cancer du pancréas à 84 ans vendredi, avait participé à façonner le manga tel qu’il est devenu aujourd’hui, à la fois en participant à en contester les règles naissantes et en développant autour de sa série phare, Golgo 13, un business insubmersible. L’acte de naissance de l’auteur Saito survient en 1959, lorsqu’il cofonde l’Atelier du gekiga, aux côtés des tout jeunes Yoshihiro Tatsumi, Masahiko Matsumoto (et quelques autres). Tandis qu’Osamu Tezuka transforme le médium au sortir de la guerre en imposant les canons de ce qu’il nomme le «story manga», ces jeunes auteurs désargentés se retrouvent à inventer de nouvelles formes dans des revues naissantes – Kage («ombre»), Machi («ville»). Les sujets y sont plus graves, plus violents. La mise en scène s’inspire du cinéma noir. Loin de chercher à séduire un jeune public, leurs bandes dessinées sont achetées par des étudiants, de jeunes travailleurs.
«Je m’intéressais bien plus au cinéma»
Dans ce petit cercle d’auteurs, dont Matsumoto racontera l’histoire dans le très beau Gekiga Fanatics (aux éditions le Lézard noir), Takao Saito est probablement celui qui a rencontré le plus grand succès populaire au Japon et celui qui incarne le moins le gekiga tel qu’on l’imagine en Occident : une bande dessinée d’auteur au propos sombre, cru, et réaliste. Quand