On connaissait les Trente-Six Vues du mont Fuji de Hokusai, voilà les treize vues sur la ligne d’horizon de Delphine Panique. Trois pages et treize cases représentant un océan lisse, une droite parfaite que rien ne vient perturber sinon quelques plis dans l’eau. Et puis l’humain fait son irruption. Un capitaine à silhouette de cacahuète et son matelot triangulaire, Béber. La ligne est menue, régulière et sûre. Le dessin, réduit à une simplicité presque pictogrammatique, est relevé par cette pluie de petits points discrets propres à l’autrice. Leur bicoque, en forme de seau de plage retourné, fait du sur-place, jatte suspendue au retour d’un zéphyr qui accepterait de les mener à bon port. Puis s’enchaînent les paysages : l’île Double, l’île Vierge, l’île Pute, l’île qui Sent la marijuana à trois kilomètres… Le capitaine soliloque pour tuer le temps mais ce que le lecteur voit semble plutôt sorti de l’esprit de son second, tentative de reconstitution des lieux dont la forme est dictée par le nom qui leur est associé.
Après avoir goûté à l’abstraction lors de passages du Vol nocturne (Cornélius, 2018), Delphine Panique s’aventure plus profondément dans le dessin, en faisant reposer des pans entiers d’Un beau voyage sur une forme d’exotisme magique. Exploration graphique qui culmine lorsque l’esprit de Béber s’aventure à imaginer quelles formes sous-marines recèlent ce petit arc de cercle émergé qu’on appelle «baleine». Splendide folie d’eau douce. Piégé entr