Un monde qui va vite, dont les contours en perpétuelle recomposition sont dictés par un flux d’innovations. Un monde de jargon moins tech que market, où tout est «mis à jour», «optimisé», «intuitif» – les corps, qui se rebootent chaque matin, et la ville avec, dont les immeubles changent régulièrement de rue et les rues de tracé. Résumé à gros traits, Un visage familier pourrait faire passer Michael DeForge pour un boomer précoce de 34 piges, terrifié par la technologie. Mais tout ne saurait être résumé dans un bandeau déroulant de chaîne d’info en continu, et le nouveau livre du Canadien est dense, complexe, fuyant.
Il faut du temps avant de saisir que, derrière ce fatras de gadgets lo-fi qu’il agite, ce dont il parle, c’est une quête de sens. Bande dessinée écrite comme une lettre qu’on s’apprête à glisser dans une bouteille lancée à la mer, Un visage familier s’accroche à un personnage fluide, dont la forme évolue au gré du récit (des jambes sur lesquelles reposent des bras et une tête flottante, puis un quadrupède évoquant vaguement un chien), qui un matin se réveille seul. Sa moitié a disparu, elle ne sait pas pourquoi. Oui, déjà, il est une elle, on n’avait aucun moyen de le savoir avant, mais cela donne une bonne idée de ce qui l’attend : comment remettre la main sur quelqu’un qui ne veut pas être trouvé quand son allure change aussi souvent que le chemin jusqu’à son boulot ? Quand tout est chamboulé, la solution consiste peut-être à remettr