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«Céline», Dion que c’est bon

Donnant corps à une version fantasmée de l’icône québécoise, Laure Mathis épate avec un spectacle conçu par Juliette Navis, plein d’improvisations fabuleuses.
Dans «Céline», la comédienne Laure Mathis stupéfie, jouant de la métamorphose à la Cate Blanchett. (Philippe Couture)
publié le 14 février 2023 à 4h27

Mea culpa, on a oublié de vous alerter. Céline, comme Céline Dion, s’est adonnée au public à l’Etoile du nord, une salle située dans le soubassement d’un centre sportif du XVIIIe arrondissement parisien, jeudi et vendredi. Elle était donc là, devant nous, longues mèches blondes, justaucorps pailletés fortement échancrés, traînant avec elle une remorque qui contenait toute sa vie et le minimum nécessaire à une ultime apparition scénique. «L’étoile du nord» : c’est ainsi que durant une heure et demi d’improvisations fabuleuses, cette Céline n’a cessé de nous interpeller, avec des moments en accéléré, des parenthèses, un accouchement dans un stade, une grotte en forêt, et donc une forêt, et la mort qui s’approche, le tout en québécois – et c’est plus d’une fois qu’elle nous a fait «capoter». Vous êtes nuls en «Dionologie» ? Aucune importance.

Un clown jamais moqué

Cependant s’ils poussaient la porte, les millions de fans de la chanteuse canadienne ne seraient en rien déçus par cette version inédite et imprévisible de leur idole. Celle qui incarne l’aimant à public est Laure Mathis, découverte dans Doreen, le spectacle culte de David Geselson, et ici aux antipodes du rôle mélancolique qui l’a fait connaître. Dans ce deuxième volet d’un triptyque qu’a conçu avec et pour elle la metteuse en scène Juliette Navis, c’est peu dire que la comédienne stupéfie, jouant de la métamorphose telle une Cate Blanchett et pulvérise toute notion d’emploi.

Ici, la star québécoise est en partie un prête-nom, un masque, un clown, mais jamais moqué, ni pris en surplomb. Nulle question d’imitation, et du reste, on ignore d’où vient cette femme au chariot à l’identité flottante. Actrice de texte, c’est la première fois que Laure Mathis joue sans partition fixée, et pourtant, jamais elle ne dilue son propos. «Je mets de la chair sur le squelette extrêmement précis établi par Juliette Navis. C’est épuisant, on croit sauter dans le vide, les mots sortent au présent, je ne me suis jamais sentie aussi libre, certains éléments – la perte des eaux par exemple – surgissent sans que je ne les prémédite», nous dit-elle. Les retrouvailles avec Céline auront lieu la saison prochaine. On rêve d’une programmation qui l’associerait avec la 7e Vie de Patti Smith de Claudine Galéa, autre manière d’évoquer une star sans passer le biopic, mais par l’incarnation d’une interprète d’exception.

Céline de Juliette Navis, tournée 2023, 2024 en cours