«Qui connaît Boris Barnet ? Personne ne le saura», constatait Jacques Rivette dans un célèbre article des Cahiers du cinéma (n°20, février 1953). Ils n’étaient alors qu’une poignée (Godard, Bazin et bien sûr Langlois) à s’émouvoir de la grâce frémissante de ses films. Soixante-dix ans plus tard, l’écho s’est quelque peu amplifié, ne serait-ce que lorsqu’on évoque Au bord de la mer bleue (1936). Ce bijou de film tant chéri des cinéphiles garde encore un parfum de pêche miraculeuse. Il y est d’ailleurs question naufrage, de marins lessivés par le ressac s’arrachant à une mer déchaînée, explosant plein cadre en giclées d’écumes. Cette résurrection fabuleuse sonne comme le plus vibrant des appels au désir, à la sensualité des corps batifolant sur une île de la mer Caspienne, un kolkhoze de pécheurs, dirigé par une fille au sourire perlé et franc, dont les deux rescapés, sorte de Jules et Jim sautillants au pays des Soviets, se disputaient les faveurs. Poème dionysiaque en forme de conte, d’utopie collective, Au bord de la mer bleue fourmille d’inventions formelles, de joie pulsée à l’aventure, à la fabrique débridée des gestes dont Barnet semble avoir fait la matière même de son cinéma. Fable ancrée sur les terres d’un communisme rêvé, on est loin des fictions du réalisme socialiste auquel on l’associe parfois. On n’est pas davantage dans la pure exaltation du montage, théorisée par son mentor Lev Koulechov. Pas plus que le psychologisme n’y a sa part
Rétrospective
A la Cinémathèque, la fenêtre de satire de Boris Barnet
Article réservé aux abonnés
Anna Sten dans «la Jeune Fille au carton à chapeau» (1927).
par Nathalie Dray
publié le 16 février 2024 à 21h53
Dans la même rubrique