«Gênée» pour toute l’équipe. Rachida Dati, ministre de la Culture, a réagi ce jeudi 29 février sur France Culture au report sine die du film CE2 réalisé par Jacques Doillon. Le cinéaste est mis en cause dans une enquête pour «agression sexuelle sur mineur de plus de 15 ans par personne ayant autorité» à la suite d’une plainte de Judith Godrèche. La sortie du film avait d’abord été maintenue au 27 mars par son producteur, Bruno Pésery, avant que celui-ci ne rétropédale mardi. La ministre déplore une «sanction collective», mentionnant «tous les artistes sous diverses formes».
«Un film est une œuvre collective. Est-ce qu’on doit sanctionner tous les autres talents ?» s’est-elle interrogée, citant les techniciens, maquilleurs, ou encore les financeurs. Elle s’est dite «gênée de punir tout un film en raison d’un comportement inapproprié ou illégal d’une personne», non sans rappeler qu’elle combat les «violences sexuelles et sexistes».
#MeToo
Pourtant, Nora Hamzawi, actrice principale du film, s’était publiquement opposée à sa sortie, déclarant qu’elle ne «soutient pas [la décision de maintenir la sortie du film] qui d’après moi représente un mépris vis-à-vis de la parole des femmes». L’autre tête d’affiche du film, Alexis Manenti, avait aussi fait savoir sa volonté de ne pas participer à sa promotion «au vu de la gravité des accusations portées à son encontre».
Avalanche d’accusations et interpellation de la ministre
Des déclarations qui n’avaient pas manqué de faire réagir le monde du cinéma, dont Dominique Besnehard, célèbre agent artistique de 70 ans. Dans un commentaire Facebook, celui-ci avait regretté le report, avant de dénigrer Nora Hamzawi : «Je peux vous dire que le point faible du film, c’est l’interprétation de cette actrice qui ne souhaite pas que le film sorte.»
Il ne faisait pas mention des accusations portées à l’encontre de Jacques Doillon, mis en cause par de nombreuses femmes pour des faits de violences sexistes et sexuelles. Si Judith Godrèche l’accuse publiquement de l’avoir «pelotée» et embrassée sur le tournage de la Fille de 15 ans, Isild Le Besco a aussi affirmé «envisager de porter plainte» contre lui et Benoît Jacquot. Anna Mouglalis a, elle, dénoncé publiquement avoir été «embrassée de force» par le réalisateur. Si aucune décision n’a été annoncée pour l’heure, il est fort probable que la sortie de Belle, de Benoît Jacquot, prévue en 2024, soit menacée elle aussi.
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Ce dernier conteste fermement ces accusations, dénonçant des «dénonciations arbitraires, [des] fausses accusations et [des] mensonges», et disant se tenir à la disposition de la justice. Jeudi 22 février, son avocate, Marie Dosé, a annoncé «déposer plainte pour diffamation» à l’encontre de Judith Godrèche.
Dans son audition au Sénat, qui a eu également lieu ce jeudi matin, la comédienne a affirmé avoir parlé à Rachida Dati d’un autre cas, celui de Dominique Boutonnat, président du CNC mis en cause pour violences sexuelles sur son neveu. Elle a demandé son retrait, la ministre lui a répondu «présomption d’innocence». Ce à quoi l’actrice a rétorqué «que ce n’était pas la question, que c’était une question de symbole». La comédienne et cinéaste envisage aujourd’hui d’interpeller le président de la République.