«Un film sur la solitude», commence-t-il comme pour conclure, avant qu’on lui pose la première question. Plus tard, pour expliquer une image, il mimera une figure de matador en faisant jouer au critique, doigts pointés sur le front, le rôle du taureau. C’est que le Catalan Albert Serra, le plus contemporain des grands anachroniques, maître de l’antimaîtrise, a fait, avec Tardes de Soledad, en guise de nouveau film après l’inouï Pacifiction (2022), un documentaire sur la corrida, tourné dans les quelques grandes arènes espagnoles où elle est encore autorisée. A moins qu’il ne s’agisse d’un film sur le cinéma : pour ou contre ? Sa seule morale, ou sa méthode, est de ne pas faire les choses à moitié.
Quelle est l’origine de ce projet ?
Il y a longtemps, un ami du master de documentaire créatif de l’université Pompeu-Fabra de Barcelone m’a proposé de mettre des moyens à ma disposition pour un documentaire. Pendant des années, je répondais que je n’avais pas de sujet. Le documentaire, ce n’est pas mon truc, parce que j’aime la direction d’acteur. Je suis admirateur de grands documentaristes comme Frederick Wiseman, et des cinéastes chinois qui se mettent dans des situations compliquées, Wang Bing, Zhao Liang. Un jour, je me suis rendu compte que la corrida serait le seul sujet qui produirait