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Libération
Palme d'or

«Anatomie d’une chute» de Justine Triet, pelures d’union

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Palme d’or de Cannes, la cinéaste réinvente les codes du thriller judicaire en faisant d’un procès pour homicide le cadre d’une fascinante dissection de l’intimité conjugale.
Sandra Hüller dans «Anatomie d'une chute». (Le Pacte)
publié le 22 août 2023 à 17h30

«Utile à la manifestation de la vérité». Cette expression procédurale prononcée par le médecin légiste qui examine le corps de Samuel correspond bien à l’état d’esprit d’Anatomie d’une chute, palme d’or au dernier festival de Cannes, et au cap franchi par Justine Triet avec ce film : après une entrée dans le cinéma français marquée par un goût prononcé pour le bordel de la vie – vies citadines bourrées d’émotions et de problèmes de notre temps –, avec ce quatrième long métrage (après notamment Victoria et Sybil), la cinéaste choisit de reculer d’un pas, d’agrandir le cadre, de proposer d’y voir plus clair dans un tableau opaque. Ce faisant, elle atteint un degré d’intensité plus profond, nourrissant le chaud de l’existence avec le froid de l’enquête. Car ce qui intéresse ici Justine Triet, ce n’est pas la vérité, le réel tel qu’il se présente à nous tous les jours dans son indescriptible chaos, mais bien la manifestation de la vérité, selon cette façon qu’ont les hommes d’imprimer un sens, notamment par le langage, à ce qui existe, à ce qui arrive.

L’histoire est celle d’un fait divers : Sandra, écrivaine bien lotie, est soupçonnée d’avoir tué son mari, que leur fils retrouve par une belle après-midi d’hiver écrasé au bas du chalet familial. Mais comme le dira son avocat, la question de son innocence n’est pas celle qu’il faut poser. Peu importe, au fond, qu’elle y soit pour quelque chose dans la mort de Samuel. Ce qui compte c’est la façon