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Libération
Drame argentin

Avec «León», Andi Nachón et Papu Curotto enfoncent la perte

Malgré un montage efficace, le film argentin sur le deuil et la parentalité lesbienne pèche par un excès de théâtralité.
Dans «León», Julia perd sa compagne. (Outplay Films)
publié le 25 juin 2024 à 23h14

Fermé pour cause de deuil. La phrase est placardée sur la grille de la maison où, à l’étage, repose Bárbara, dite Barby, personnage entraperçu le temps d’une intro romantique entre femmes qui s’aiment. La maladie l’a emportée. Barby laisse un jeune fils, León, et sa compagne, Julia. Celle-ci, coriace, fluette, le visage figé de peine, est cuisinière et propriétaire d’un restaurant baptisé León, comme le fils et le film.

Théâtralité ténue

Il existe beaucoup de «films de deuil», mais peu de grands. C’est toujours compliqué, la chape que le thème impose, et les gueules d’enterrement : tout un film à faire cette tête. León, long métrage argentin sans prétention mais trop étale, tente une approche transversale à son sujet chargé : parentalité lesbienne, problèmes légaux de la garde d’enfant pour un couple de femmes, deuil solitaire de celle qui doit faire face. Le monocorde du récit vient de ce qu’il cherche à trop dire sans se risquer à en faire trop. Retenons la qualité d’un montage très cut et ramassé, de sorte que les deux lieux juxtaposés, le logis de Julia et son resto, semblent former un seul espace du chagrin. León à son meilleur est une «sitcom du deuil», à la théâtralité ténue. Un film de deuil étant forcément théâtral.

Puisque surgit chaque fois ce problème de croyance au deuil comme principe forcé de scénario, non réaliste, que résout seul de le tirer vers le théâtre et la tragédie rentrée. Une fiction interdit de croire qu’un personnage qui meurt ou disparu au seuil d’un film a eu une vie, une vraie vie dramatique avant sa mort fictive. Le chagrin qui lui succède paraît toujours plaqué, affecté, et il faut un supplément de rituel, de chœur factice, cérémonie des retrouvailles et règlement de comptes tardif, pour suspendre notre incrédulité – voyez The Big Chill, la Vie des morts, Nos funérailles, etc.

Place vide

Nachón et Curotto échouent à faire résonner l’écho de l’absence. Les beaux films de deuil font vibrer d’une note quasi insupportable la place laissée par la mort, la vacance. Je rentre à la maison de Oliveira et Starman de Carpenter sont les plus sublimes. Et Psychose, film de deuil méta où c’est au spectateur en cours de vision de se remettre du choc, du meurtre du personnage principal. Ici, la place vide est le lieu du titre, que Barby hante par flash-back. Comme le cœur de Julia, désaffecté.

León d’Andi Nachón et Papu Curotto, avec Carla Crespo, Susana Pampin… 1h20.