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Libération
Documentaire

Avec «Rue du Conservatoire», Valérie Donzelli en belle compagnie

La cinéaste suit une jeune metteuse en scène iconoclaste qui monte «Hamlet» pour la fin de ses études. Un docu malicieux sur l’ébullition créative d’une nouvelle génération de théâtreux.
Dans son documentaire, Valérie Donzelli suit une troupe qui prépare un spectacle en cinq semaines. (©2023-RECTANGLE PRODUCTIONS)
publié le 17 septembre 2024 à 17h30

Une jeune femme de 26 ans s’apprête à monter Hamlet pour clôturer en beauté ses études d’art dramatique au Conservatoire de Paris. Une réalisatrice aguerrie qui fête ses 50 ans accepte de la filmer pendant ce processus de création et de s’offrir, en prime, une petite cure de jouvence. Bienvenue Rue du Conservatoire, dans le docu bricolé de Valérie Donzelli, qui retrouve avec cette petite forme son savoir-faire d’artisane et cette patte unique qui fait son charme.

Elle commence ainsi par un aveu rieur : en 1996, elle a raté le prestigieux concours, ce qui a peut-être contribué à faire d’elle une cinéaste plutôt qu’une actrice. Un mal pour un bien. C’est un peu le sens de tout le film, qui prend la jeunesse de ces comédiens pour ce qu’elle est, une somme foutraque de désirs, de rêves, d’ambitions, de postures et de maladresses, d’egos et de liens sincères ; il sera bien temps de démêler tout ça plus tard, et de faire le compte des occasions manquées.

Les temps ont changé depuis 1996, Clémence n’accouche pas dans la douleur de son Hamlet, pas plus qu’elle ne soumet ses camarades à la tyrannie de son génie naissant. On pense en la regardant faire à la méthode Chéreau, définitivement remisée au grenier avec les vieilleries : la beauté du geste de Donzelli vient de sa curiosité à documenter un nouveau moment dont elle découvre la puissance. Comment de très jeunes gens travaillent avec pugnacité et passion, mais n’en passent pas par la case prise de pouvoir et humiliations. Comment Clémence, cette jeune femme élevée à la très stricte Légion d’honneur, s’invente en metteuse en scène ambitieuse et iconoclaste, qui n’hésite pas à faire mourir Hamlet en plein milieu de la pièce, et à le faire renaître sous les traits d’Ophélie. Comment la petite troupe prépare son spectacle en cinq semaines avec une énergie de jeunesse à nulle autre pareille.

Valérie Donzelli, avec une humilité malicieuse, déplace sa position, se déleste du poids des ans : elle n’est plus la sachante venu donner un cours sur le jeu d’acteur au cinéma, elle est cette petite souris (filmée dans un recoin du Conservatoire) qui profite de l’ébullition ambiante pour garder une modeste trace de nos plus belles années.

Rue du Conservatoire de Valérie Donzelli, documentaire, 1h20.