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Libération
Critique

«Banzo» de Margarida Cardoso, le râle du pays

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Une nostalgie mortelle décime les esclaves d’une plantation portugaise dans le film hypnotisant de Margarida Cardoso, exploratrice des mémoires coloniales de son pays.
L’impuissance du médecin (Carloto Cotta), gagné par l’absence de sens, s’étend de scène en scène. (Damned Distribution)
publié le 23 décembre 2024 à 2h37

Ce n’est pas le nom d’un jeu de cartes ni d’un instrument de musique. Le «banzo», état de tristesse mortelle observé au Brésil chez les esclaves nés en Afrique, décimés par une forme inouïe de mal du pays, est l’énigme qui concentre toute la fièvre calme du film de Margarida Cardoso. Sous nos yeux, le quotidien d’une plantation de cacao au début du XXe siècle. Nous sommes sur l’île de Sao Tomé-et-Principe, colonie portugaise d’Afrique centrale. Un phénomène contagieux vide de leur énergie les corps des «servants», comme il convient de les appeler dans une société où l’esclavage est légalement aboli mais perdure sous la forme hypocrite, non moins inhumaine, de l’exploitation contractualisée «de leur plein gré». Un médecin (Carloto Cotta, visage magnétique du cinéma de Miguel Gomes et João Pedro Rodrigues) arrive du Congo belge, où il semble n’avoir déjà vu (et couvert ?) que trop de sévices.

Déluges tropicaux et nappes de brume

Boitant au chevet de ces patients à peine vivants, le docteur Afonso leur diagnostique une «nostalgie» aiguë à tour de bras, dans des rapports expédiés à Lisbonne en pure perte. Ici règne une ambiance calfeutrée en plein air, entre déluges tropica