Nos aïeux diagnostiquaient la nostalgie comme un trouble mental aux traitements radicaux – en 1733, un général russe préconisait par exemple d’enterrer vivants ses soldats atteints du mal du pays. Ils seraient effarés de la voir militarisée de nos jours à des fins mercantiles, de voir le remède être le mal : Hollywood s’enterre vive elle-même avec ses «legacyquels» où, de Star Wars à S.O.S. Fantômes, il faut ressortir les doudous pop des parents et inclure leurs enfants à force de suites où le casting original côtoie de jeunes pousses. On n’était donc pas forcément optimiste face à une suite très tardive de Beetlejuice (1988), d’autant que Tim Burton est artistiquement exsangue depuis une décennie, retranché dans son bazar zinzin gothique comme s’il était en tournée permanente avec Siouxsie and The Banshees.
(Presque) bonne nouvelle : Burton revient en petite forme avec ce Beetlejuice, Beetlejuice. L’original n’a jamais été surexposé depuis (sauf via une série animée dérivée entre 1989 et 1992, puis une comédie musicale depuis 2019) et il y avait peut-être encore quelque chose à tirer de son charme de guingois, branque et improbable, résumé par une scène de dîner dont les convives possédés dansaient contre leur gré sur la chanson Day-O de Harry Belafonte. Soit une comédie d’horreur où un fantôme lourdingue (Michael Keaton, la preuve que les meilleurs interprètes du lugubre Batman sont ceux qui peuvent aussi jouer son dionysiaque ennemi Joker