Printemps 1997 : une rumeur fuse dans la cité des Grands-Pêchers. Deux gars étranges se baladent avec une caméra. Le plus vieux a une tête de commissaire ; le plus jeune celle d’un policier en civil. Ils veulent tourner un documentaire «sur nous». On fait les gros yeux de l’étonnement. Un documentaire «sur nous» ? Ils se présentent : Bertrand et Nils Tavernier. Ces deux noms ne nous disent rien. Personne ne connaît le père ; encore moins le fils. Nous sommes à l’époque des bipeurs Tatoo et Tam-Tam. La magie de Google n’existe pas. Comment vérifier le curriculum vitæ des Tavernier ? Les cinéastes négocient avec les grands de la cité. Pas question de se laisser filmer sans rien dire. On les regarde tous, les documentaires sur les quartiers : des animaux en cage en seconde partie de soirée à la télé.
L’histoire a débuté un peu plus tôt. C’était en hiver. Des cinéastes se mobilisent contre une réforme du gouvernement et un ministre invite un contestataire à s’installer à Montreuil, au quartier des Grands-Pêchers, pour prouver aux rêveurs sa vérité : l’intégration est seulement un joli mot de gauche. Pourquoi lui ? Pourquoi «nous» ? Peu importe. Bertrand Tavernier a posé ses valises avec son fils pendant un trimestre. Le droitier Eric Raoult a fait naître une jolie petite histoire. Une sorte de boomerang qu’il se prend en pleine poire.
L’homme à lunettes et à la démarche lente
L’histoire débute lentement. La méfiance, forcément. Les Tavernier passent des heures entières dans la cité. Ils marchent, palabrent,