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Libération
Toiles

«Bonnard», en nabi trop serré

Le nouveau long métrage de Martin Provost («Séraphine») remplit sans surprise le cahier des charges d’un film en costumes.
Cécile de France et Vincent Macaigne. (Memento Distribution)
publié le 10 janvier 2024 à 0h24

Voici que le réalisateur césarisé de Séraphine, Martin Provost, s’attelle à un nouveau destin de peintre : Pierre Bonnard (Vincent Macaigne) qui, loin de l’art brut de la femme de ménage géniale, peint avec talent et raison dans le microcosme bohème du Paris des nabis. A vrai dire, le programme que l’on imaginait pour un tel film, mi-biopic déférent mi-épopée conjugale – l’héroïne cachée n’est autre que sa femme, sur l’air des grands hommes ne sont rien sans elles – est très exactement exécuté : de la mansarde miteuse du premier jour à la grande maison des bords de Seine, des griffonnages fiévreux sur des carnets jaunis aux grandes toiles soudain épanouies, des effusions de jeunesse aux soupirs du grand âge, rien ne manque au tableau de cette reconstitution appliquée qui remplit tranquillement le cahier des charges d’un confortable film en costumes.

Dans ce Bonnard bien peigné, la direction d’acteurs outrancière choisie pour Cécile de France est alors un objet de surprise : d’abord caricaturale petite parisienne qui ne tient pas en place et pour qui l’art, «ça va bien un moment», elle se transforme au fil du film (de façon plus convaincante) en artiste autodidacte qui débute lorsque son mari coupe brutalement les ponts. Cette partie du film donne lieu à quelques séquences plus réussies car comme évidées de tout enjeu narratif ou illustratif : la visite de Claude Monet notamment, qui découvre les tentatives de Marthe en même temps que le domicile conjugal délaissé, est un moment suspendu, dont la sobriété remédie soudain aux pesanteurs académiques qui le cernent. Pour le reste, Bonnard, Pierre et Marthe semble en permanence courir après les mœurs et les mythes d’une Belle Epoque évanouie qu’il ne parvient jamais à ranimer.

Bonnard, Pierre et Marthe de Martin Provost, avec Cécile de France, Vincent Macaigne, André Marcon, 2h02.