C’est un objet angoissant (mais collector) : un seau à pop-corn en forme de tête de Galactus, le méchant dévoreur de planètes des Quatre Fantastiques, blockbuster Marvel de l’été 2025, avec sa peau grise, son casque violet et ses yeux bleus, qui au-delà de susciter le malaise (qui peut bien avoir envie de manger du maïs soufflé dans un crâne ?) traduit à la fois l’ingéniosité molle des salles de cinéma américaines pour faire revenir le public, et une certaine inquiétude, pour ne pas dire une panique, face à l’avenir. Prix du Galactus bucket : 80 dollars.
La saison des blockbusters, grand rendez-vous de l’industrie cinématographique américaine avec elle-même, est toujours un moment chargé en effets d’annonces, faux-semblants et surenchère – 69 millions de dollars de recettes pour les Quatre Fantastiques lors de son premier week-end d’exploitation aux Etats-Unis, 200 millions pour Superman, 650 millions au niveau mondial pour Jurassic World – où il est parfois difficile de lire le succès réel des films, une fois ramenés à leurs budgets de production et de marketing. Coup de clim : selon un rapport du cabinet de prévisions PwC, publié le 23 juillet, les recettes au box-office ne devraient pas retrouver leur niveau pré-Covid avant 2030. Dans le meilleur des cas.
Un cru 2025 «raisonnablement robuste»
Il y a du bon et du moins bon. Le bon : les chiffres sont en progression, 33,5 milliards de dollars de recettes prévisions pour 2025, contre 29,7 milliards sur l’année précédente. Le moins bon : le box-office est encore loin de son niveau précédant la pandémie – 39,4 milliards de dollars en 2019 –, la grève des acteurs et des scénaristes de 2023 ayant porté un coup à la reprise, même si «la baisse a été anticipée et n’a pas été aussi raide que redoutée», souligne le rapport.
Il y a des constantes aussi. Sur le marché américain, les gagnants restent «les films de franchise bâtis sur une propriété intellectuelle déjà existante» et les blockbusters de l’année – de Superman à Avatar 3, en passant par Blanche Neige et Mission impossible – devraient assurer un cru 2025 «raisonnablement robuste». A l’inverse, «les films dits à moyens budgets, incluant les drames en lice pour les récompenses» perdent du terrain au box-office. «Ce sont des films que les spectateurs préfèrent regarder chez eux», indique le rapport.
Faut-il lire dans cette année «raisonnablement robuste» un retour massif des spectateurs en salles ? Pas forcément. Un rappel : les recettes au box-office sont le produit du nombre de tickets ventes et de leur prix. La reprise est portée par la hausse du prix des tickets et le développement des infrastructures. Et même si «les exploitants américains claironnent à propos des études suggérant que le public réembrasse l’expérience en salles», le nombre d’entrées ne devrait pas, quant à lui, revenir à son niveau pré-pandémie. D’où le seau de pop-corn Galactus pour compenser la perte de profits.
Les réseaux sociaux imbattables
Dans le détail, les études sont contradictoires. Selon un rapport du cabinet Deloitte publié en 2025, la menace ne vient pas des plateformes, mais des réseaux sociaux. Plus de la moitié des Gen Z interrogés répondaient que le contenu TikTok ou Instagram leur semblait plus pertinent que le contenu dit traditionnel, soit les films ou les séries télé. Six mois plus tôt, le rapport Teens and Screens 2024 de l’université de Californie à Los Angeles (UCLA) proposait un peu de nuance : la sortie au cinéma lors du premier week-end d’exploitation d’un film resterait l’activité préférée des 10-24 ans, seulement une fois que le prix, le transport et les autres barrières sont mis hors de l’équation. A ce compte-là, les réseaux sont effectivement imbattables.
En attendant d’y voir plus clair, les sièges sont de plus en plus luxueux, les écrans de plus en plus grands et l’Imax fleurit un peu partout. «En Amérique du Nord, 950 salles ont désormais des écrans de grand format, une augmentation de 37 % en cinq ans et un signe clair que les spectateurs recherchent une expérience spectaculaire qui ne peut pas être répliquée chez soi», pointe le rapport de PwC, rappelant que le cinéma est une industrie dont on prédit régulièrement la mort depuis sa création. Pour l’avenir, le marché se tourne vers sa boussole favorite : Christopher Nolan. Un an avant la sortie de The Odyssey, prévue le 17 juillet 2026, les premiers billets ont été mis en vente. En une nuit, l’Imax de Melbourne aurait vendu 1800 places. Sold out en une heure, aux Etats-Unis, où les billets se revendraient à 300 dollars, selon The Guardian. Les seaux de pop-corn s’annoncent homériques.