Avec sa planche de surf, ses pin-up en mini-short et son cancre abrutoïde avachi pieds sur la table, la jaquette de Ça chauffe au lycée Ridgemont affiche ouvertement son nutriscore E, comédie 100 % gras saturé, bien dans son début des années 80 décomplexé. Elle a d’ailleurs rarement été considérée autrement par ici, contrairement aux Etats-Unis où elle fait depuis plus de quarante ans l’objet d’un culte significatif y compris dans les sphères les plus exigeantes – le film a intégré en 2021 la prestigieuse collection Criterion. Anomalie ? Malentendu ? Perte en traduction ? Pas exactement.
Ça chauffe au lycée Ridgemont est, au départ, le récit d’une année passée en immersion dans un lycée californien par un jeune journaliste du magazine Rolling Stone, Cameron Crowe, devenu par la suite cinéaste reconnu (Presque célèbre, Vanilla Sky). Le livre, édité en 1981 et aujourd’hui introuvable (les exemplaires d’occasion s’échangent jusqu’à 2 000 dollars), racontait avec justesse et sans pudeur le quotidien de lycéens à une époque où il était ignoré ou naïvement idéalisé.
Ce qui a, par extension, fait du film d’Amy Heckerling, adaptation très incomplète, parfois clownesque mais toujours fidèle au livre dans l’esprit général, le modèle de la comédie adolescente de lycée qui va se développer durant les années 80 aux Etats-Unis. Imitée dès sa sortie par la société de production Cannon avec le plutôt réussi The Last American Virgin, elle servira par la suite de modèle majeur aux films de John Hugues (Seize Bougies pour Sam, Breakfast Club).
Dernier détail et pas des moindres, le casting, impressionnante réunion de futurs grands noms dans leur premier rôle majeur, voire leur premier rôle tout court : Judge Reinhold, Forest Whitaker, Phoebe Cates, Nicolas Cage, Eric Stoltz, et surtout Jennifer Jason Leigh et Sean Penn, qui se partagent l’essentiel des attentions. Le résultat est un mélange déconcertant mais assez vibrant de réalité crue et de super-pantalonnade, abordant très frontalement des sujets tels que la drogue, le sexe ou l’avortement entre deux apparitions du très jeune Sean Penn, bouffon au possible et forçant déjà méchamment le trait dans le rôle d’un surfeur stoner à la limite de la débilité clinique.