Il y a des gens de qui on sait qu’on peut tout attendre. Et qui réussissent quand même, malgré tout, à nous surprendre. Avec Ça tourne à Séoul ! Kim Jee-woon joue une carte tout à fait imprévue, même à son échelle immodérée. Après la farce macabre, le fantastique, le thriller et le film historique, le cinéaste coréen tente le mélange complet, façon tacos aux onze viandes sauce colle à bois. Soit le tournage rocambolesque et passablement illégal d’un mélo horrifique dans le Séoul des années 70 par un réalisateur déchu, humilié par la critique et vivant dans l’ombre de son défunt mentor. Le titre français joue le rapprochement avec le très injustement oublié Ça tourne à Manhattan de Tom DiCillo (1995), qui était à la fois une formidable comédie et une satire acide du cinéma indépendant américain. Ça tourne à Séoul ! n’est rien de tout ça. Juste un petit truc bruyant et d’une lourdeur effarante qui donne l’impression de regarder une pièce de boulevard bourrée de cris, grimaces, gens ivres morts, poursuites à la Benny Hill et répliques désolantes. Accessoirement assez prétentieux aussi, multipliant les révérences appuyées au «cinémâââ» et convergeant vers un plan séquence annoncé ad nauseam que l’on verra deux fois, histoire que tout le monde ait bien compris la virtuosité de la chose. On aimerait pouvoir sauver quelque chose de ce rata glutineux, mais hormis son casting assez flambant, il n’y a pas une branche à laquelle se raccrocher, si ce n’est peut-être le plan final du film dans le film – furieusement outrancier et, lui aussi, franchement inattendu.
Indigeste
«Ça tourne à Séoul !» : coupez par pitié
«Ça tourne à Séoul» de Kim Jee-woon avec Song Kang-Ho et Im Soo-Jung (2023) (Kim Jee-Woon/CHO WONJIN)
publié le 8 novembre 2023 à 6h11
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