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Libération
Critique

Cannes 2024 : «Ma Vie Ma Gueule» de Sophie Fillières, les éclats unis

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Portée avec panache par Agnès Jaoui, le dernier et lumineux film de Sophie Fillières, décédée en 2023, suit une écrivaine confrontée aux vicissitudes de la cinquantaine.
Barberie Bichette, portée avec morgue et panache par Agnès Jaoui, est dans «Ma Vie, Ma Gueule» une femme en vrac.
publié le 15 mai 2024 à 17h56

Mais comment fait Sophie Fillières pour nous cueillir ainsi, avec ce personnage aux abords si rêches, cette femme décomposée en mille éclats coupants, dont on peine d’abord à saisir jusqu’au nom et prénom, avant de nous ranger si entièrement, si passionnément derrière elle ? Comment fait-elle donc, bordel !, pour déclencher des syncopes de fous rires nerveux lors desquels les larmes se mettent intempestivement à couler, alors qu’il n’est question que de décrypter les rébus posés par un tapis de course à écran lumineux («Takakkaw, mot-cri signifiant magnifique»), c’est-à-dire, de nous extasier sur tout le merveilleux que cette pauvre vie a à nous offrir ?

Barberie Bichette, portée avec morgue et panache par Agnès Jaoui, est dans Ma Vie, Ma Gueule une femme en vrac, et, comme les personnages d’un poème qu’elle compose, elle «se sent d’un certain âge», à savoir : 55 ans. Avec cet âge semble venir une cohorte de tracas, qui vont de l’insulte («vieille salope !») au questionnement ontologique («quelle est ma nature ?») au constat sans appel («Je ne suis plus la femme que je n’étais pas même encore à l’époque»). Elle n’entend pas s’excuser pour autant – si Barberie est au seuil de quelque chose, d’une crise, de la mort, d’une pente descendante, elle semble avoir pris pour elle les vers de