The Village Next to Paradise, premier long métrage du cinéaste somalien installé à Vienne Mo Harawe, est impressionnant. Au sens propre, avec sa forme pointilleuse de plans fixes retranchés du moindre pittoresque, à la prestance indéniable mais dont la siccité, l’âpreté, semblent avoir été décidées par les paysages eux-mêmes, ceux du littoral somalien battu par les vents, teintés de couleurs froides et délavées (Mo Harawe : «Les films tournés en Afrique sont souvent dominés par des tons jaunes, des tons chair, et beaucoup de vert, et je voulais éviter tout ça»). Une adéquation apparaît aussi dans le ton sur lequel se parlent les personnages, à mi-chemin de la colère et de l’abnégation.
Dans ce pays ravagé par les guerres civiles et les famines, ou, comme le décrit Harawe, «miné par les problèmes, qui sont autant le fait de sa population que de forces extérieures», il fallait conter une histoire rude de coups durs, d’endurance et d’offensives dérisoires, sans rien occulter de l’humanité, donc des démons de ceux qui vivent là et éprouvent cette manière de paradis décati et ses institutions fantômes. L’histoire du galérien Mamargade, de son gamin Cigaal, et de sa sœur Araweelo, couturière venue s’installer avec eux après avoir divorcé. Mamargade sait un peu tout faire, vit d’expédients (creuser des tombes, faire la mule pour des islamistes), pique dans les bas de laine de sa sœur, s’échappe parfois pour aller mâcher au fond d’une barque des feuilles de khat