«Un homme, la nature et le mal» : ainsi le Néerlandais Sven Bresser résume-t-il la triade des forces en présence dans son premier long métrage, Rietland. L’homme, Johan, est un agriculteur d’âge mûr qui cultive et récolte, dans les zones humides de la campagne où il mène une vie solitaire, des roseaux, culture traditionnelle locale dont les bottes bien serrées et séchées recouvrent les toits de Hollande. Trouvant le corps d’une très jeune fille violée et tuée dans l’un de ces marécages, le taiseux grand-père se fait de plus en plus inquiet – et inquiétant, tant le mystère de savoir exactement ce que ça lui fait s’épaissit à mesure que le film avance, et que le mal, sans vraiment dire son nom (le désir ?), semble embrumer ses pensées et hanter tous les paysages.
Visant un haut degré de recherche plastique dans sa quête du thriller psychotique rural, Rietland décrit ses décors naturels agricoles avec une belle patience, orientée par les sensations : d’abord fascinée par le scintillement du vent dans les champs de roseaux, puis de plus en plus encline aux dérapages sensoriels, et à toute une série de «montées de son» – bruissements, vibrations, avions, machine à laver, larsens, tous poussés à saturation physique et mentale – s’alliant à un certain symbolisme nordique, à l’obscénité microdosée, pour nous faire vriller avec (de moins en moins avec) Johan, homme de peu de mots joué par Gerrit Knobbe, un authentique coupeur de roseaux de la région.