«Tu fais quoi ?», «J’annule mes billets pour les projections de demain. J’en peux plus.» Cannes, semaine 12, on jette l’éponge. Trop de films, trop de bruit, trop d’histoires, trop d’orchestres de mariachis qui reprennent les 2Be3. Les rues se vident et le vent se lève, pliant les palmiers, martyrisant les mouettes qui poussent des cris de singes affolés. Sur la terrasse du Marriott, les nappes volent, les pots de bambous font la culbute, les bouteilles explosent au sol. Tout le monde s’abrite, change de place, tandis que le personnel s’agite, déplaçant ou couchant les parasols qui menacent de se renverser à chaque instant.
Intégralement vêtue de blanc, Scarlett Johansson assiste au chambard sans ciller. La tempête, elle ne la voit pas, ne l’inclut pas dans son périmètre, intouchable, discrètement protégée par une équipe de sécurité satellitaire déguisée en touristes américains lambda en shorts-polos-baskets bariolés. Peut-être même n’est-elle pas là, s’exprimant à distance à travers un haut-parleur en forme de Scarlett Johansson posé derrière une table à laquelle viennent s’asseoir l’un après l’autre les journalistes. Ça expliquerait l’attitude un poil raide ; le léger temps de latence à chaque question, remarque, relance ; l’impression tenace qu’on parle à quelqu’un qui se trouve à des années-lumière, dans une autre galaxie.
Déviations polies
L’actrice américaine est à Cannes pour présenter dans la sélection Un certain regard son premier film en tant que réalisatrice,