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Récompenses

Le palmarès des césars 2025 : et à la fin, c’est Jacques Audiard qui gagne

Cérémonie des césars 2025dossier
Une fois de plus Jacques Audiard l’emporte, avec sa comédie musicale «Emilia Perez», malgré la polémique suscitée par son actrice principale. Outsider, «l’histoire de Souleymane» termine avec quatre récompenses. Bonus : le palmarès de nos lecteurs.
Jacques Audiard, réalisateur d'Emilia Perez, meilleur film, meilleur réalisation, etc. (FRANCOIS DURAND/Getty Images via AFP)
publié le 28 février 2025 à 19h32
(mis à jour le 1er mars 2025 à 1h26)

Jamais sans doute ne s’est-on trouvé dans une situation de discordance cognitive aussi complète que ce vendredi soir à se brancher sur la soirée des césars après avoir assisté en spectateur impuissant à la terrifiante altercation entre les deux mafieux Trump et JD Vance coinçant le héros Zelensky pour lui casser la gueule en direct comme dans un film noir de 7e zone. La maîtresse de cérémonie, Catherine Deneuve, a dédié la soirée à l’Ukraine. C’était le minimum qu’il était possible de faire et continuer comme si de rien n’était.

Il faut reconnaître que les premiers prix distribués ont de quoi nous réjouir. Qu’il s’agisse du césar du meilleur espoir masculin à l’excellent Abou Sangaré, non professionnel casté à Amiens alors qu’il était dans une formation de mécanicien et qui depuis son prix d’interprétation à Cannes a pu avoir un permis de séjour d’un an. «Merci à l’Académie pour cette merveilleuse organisation», a-t-il déclaré affirmant avoir traversé une période de non-vie totale entre 2017 et 2023, la rencontre avec l’équipe du film de Boris Lojkine agissant comme une deuxième naissance. Le césar du meilleur premier film va à Louise Courvoisier pour le formidable Vingt dieux, et là encore, bien vu puisque cette histoire de débrouille au pays du Comté est l’un des trucs les plus énergisants vu ici depuis longtemps.

Jonathan Glazer remporte le césar du meilleur film étranger. Absent dans la salle, il a demandé à ce qu’un texte soit lu en son nom, une nouvelle fois sur la question de la guerre entre Israël et Gaza : «Aujourd’hui, la Shoah et la sécurité juive sont utilisées pour justifier les massacres et les nettoyages ethniques à Gaza après les massacres. Les massacres du 7 octobre et la prise d’otages en Israël : il s’agit, dans un cas comme dans l’autre, d’actes de terreur contre des innocents, rendu possible par la déshumanisation des gens, des personnes qui se trouvent de l’autre côté de nos murs. C’est la zone d’intérêt.» Applaudissements courts mais nourris dans la salle. Un discours de même nature avait créé la polémique lors des oscars 2024, il avait reçu alors le prix du meilleur film étranger à Los Angeles.

Les favoris de la compétition de ce soir, dans un genre varié, rassemblaient à eux trois 39 nominations. En pole position, le Comte de Monte-Cristo de Matthieu Delaporte et Alexandre de la Patelière avec une présence dans 14 des 24 catégories était suivi de près par l’Amour ouf de Gilles Lellouche (treize nominations) et Emilia Pérez de Jacques Audiard, douze nominations au compteur (et treize pour les oscars dimanche). Le bad buzz que traîne le film depuis quelques semaines, qui pourrait le laisser au pied du podium américain, n’a semble-t-il pas influencé les votants français, qui l’ont placé en tête des récompenses ce soir. Audiard avait déjà dix césars à la maison glanés au cours de sa carrière, au gré des films et il va lui falloir agrandir encore son étagère et s’assurer qu’elle tient le choc du poids physique de tous ses prix et symbolique de cette faveur inentamée dans la profession qui le voit comme la synthèse la plus convaincante entre le point de vue original de l’artiste et la capacité à profiler des hits polymorphes qui cartonnent en festivals et en salles. Audiard, toujours un peu nonchalant, probablement lessivé par la campagne américaine chaotique pour les oscars, n’a pas eu un regard pour Karla Sofia Gascon qu’il a pourtant remerciée ainsi que toutes les actrices du casting. Il va devoir très rapidement sauter dans un avion pour être à Los Angeles, probablement quelque peu requinqué et confiant.


Le palmarès complet

Révélation masculine

Nommés : Adam Bessa dans les Fantômes ; Malik Frikah dans l’Amour ouf ; Félix Kysyl dans Miséricorde ; Pierre Lottin dans En fanfare.

Meilleur court-métrage de fiction

L’Homme qui ne se taisait pas réalisé par Nebojsa Slijepcevic, produit par Noëlle Levenez

Nommés : Boucan réalisé par Salomé Da Souza, produit par Jean-Etienne Brat et Lou Chicoteau ; Ce qui appartient à César réalisé par Violette Gitton, produit par Jules Reinartz ; Queen Size réalisé par Avril Besson, produit par Bastien Daret, Arthur Goisset, Robin Robles et Christophe Audeguis.

Meilleure adaptation

Jacques Audiard pour Emilia Pérez

Nommés : Matthieu Delaporte, Alexandre de la Patellière pour le Comte de Monte-Cristo ; Michel Hazanavicus, Jean-Claude Grumberg pour la Plus Précieuse des Marchandises.

Meilleur premier film

Vingt Dieux réalisé par Louise Courvoisier, produit par Muriel Meynard

Nommés : Diamant brut réalisé par Agathe Riedinger, produit par Priscilla Bertin et Judith Nora ; les Fantômes réalisé par Jonathan Millet, produit par Pauline Seigland ; le Royaume réalisé par Julien Colonna, produit par Hugo Sélignac et Antoine Lafon ; un P’tit Truc en plus réalisé par Artus, produit par Pierre Forette et Thierry Wong.

Meilleurs décors

Stéphane Taillasson pour le Comte de Monte-Cristo

Nommés : Jean-Philippe Moreaux pour l’Amour ouf ; Emmanuelle Duplay pour Emilia Pérez ; Stéphane Rozenbaum pour Monsieur Aznavour ; Olivier Radot pour Sarah Bernhardt, la divine.

Meilleur film étranger

La Zone d’intérêt de Jonathan Glazer.

Nommés : Anora de Sean Baker ; les Graines du figuier sauvage de Mohammad Rassoulof ; The Apprentice d’Ali Abbasi ; The Substance de Coralie Fargeat.

Meilleurs costumes

Thierry Delettre pour le Comte de Monte-Cristo

Nommés : Isabelle Pannetier pour l’Amour ouf ; Virginie Montel pour Emilia Pérez ; Isabelle Mathieu pour Monsieur Aznavour ; Anaïs Romand pour Sarah Bernhardt, la divine.

Meilleur son

Erwan Kerzanet, Aymeric Devoldère, Cyril Holtz et Niels Barletta pour Emilia Pérez

Nommés : Cédric Deloche, Gwennolé Le Borgne, Jon Goc et Marc Doisne pour l’Amour ouf ; David Rit, Gwennolé Le Borgne, Olivier Touche, Laure-Anne Darras, Marion Papinot, Marc Doisne et Samuel Delorme pour le Comte de Monte-Cristo ; Pascal Armant, Sandy Notarianni et Niels Barletta pour En fanfare ; Marc-Olivier Brullé, Pierre Bariaud, Charlotte Butrak et Samuel Aichoun pour l’Histoire de Souleymane.

Révélation féminine

Maïwene Barthelemy dans Vingt Dieux

Nommées : Malou Khebizi dans Diamant brut ; Megan Northam dans Rabia ; Mallory Wanecque dans l’Amour ouf ; Souheila Yacoub dans Planète B.

Meilleur scénario original

Boris Lojkine et Delphine Agut pour l’Histoire de Souleymane

Nommés : Stéphane Demoustier pour Borgo ; Emmanuel Courcol, Irène Muscari pour En Fanfare ; ; Alain Guiraudie pour Miséricorde ; Louise Courvoisier, Théo Abadie pour Vingt Dieux.

Meilleure actrice dans un second rôle

Nina Meurisse dans l’Histoire de Souleymane

Nommées : Elodie Bouchez dans l’Amour ouf ; Anaïs Demoustier dans le Comte de Monte-Cristo ; Catherine Frot dans Miséricorde ; Sarah Suco dans En fanfare.

Meilleur court-métrage d’animation

Beurk ! réalisé par Loïc Espuche, produit par Juliette Marquet, Manon Messiant

Nommés : Gigi réalisé par Cynthia Calvi, produit par Luc Camilli ; Papillon réalisé par Florence Miailhe, produit par Ron Dyens et Luc Camilli.

Meilleur film d’animation

Flow, le chat qui n’avait plus peur de l’eau réalisé par Gints Zilbalodis, produit par Ron Dyens

Nommés : la plus Précieuse des Marchandises réalisé par Michel Hazanavicius, produit par Patrick Sobelman, Florence Gastaud, Michel Hazanavicius ; Sauvages réalisé par Claude Barras, produit par Laurence Petit, Barbara Letellier et Carole Scotta.

Meilleur acteur dans un second rôle

Alain Chabat dans l’Amour ouf

Nommés : David Ayala dans Miséricorde ; Bastien Bouillon dans le Comte de Monte-Cristo ; Jacques Develay dans Miséricorde ; Laurent Lafitte dans le Comte de Monte-Cristo.

Meilleur montage

Xavier Sirven pour l’Histoire de Souleymane

Nommés : Simon Jacquet pour l’Amour ouf ; Célia Lafitedupont pour le Comte de Monte-Cristo ; Juliette Welfling pour Emilia Pérez ; Guerric Catala pour En fanfare.

Meilleurs effets visuels

Cédric Fayolle pour Emilia Pérez

Nommés : Cédric Fayolle, Hugues Namur et Emilien Lazaron pour la Bête ; Olivier Cauwet pour le Comte de Monte-Cristo ; Alain Guiraudie pour Monsieur Aznavour.

Meilleure musique originale

Clément Ducol, Camille pour Emilia Pérez

Nommés : Jon Brion pour l’Amour ouf ; Jérôme Rebotier pour le Comte de Monte-Cristo ; Alexandre Desplat pour la Plus Précieuse des Marchandises ; Linda Courvoisier, Charlie Courvoisier pour Vingt Dieux.

Meilleure photographie

Paul Guilhaume pour Emilia Pérez

Nommés : Laurent Tangy pour l’Amour ouf ; Nicolas Bolduc pour le Comte de Monte-Cristo ; Tristan Galand pour l’Histoire de Souleymane ; Claire Mathon pour Miséricorde.

Meilleur film documentaire

La Ferme des Bertrand réalisé par Gilles Perret, produit par Denis Carot et Ulysse Payet

Nommés : La Belle de Gaza réalisé par Yolande Zauberman, produit par Bruno Nahon, Yolande Zauberman ; Bye bye Tibériade réalisé par Lina Soualem, produit par Jean-Marie Nizan ; Dahomey réalisé par Mati Diop, produit par Eve Robin, Judith Lou Lévy ; Ernest Cole, photographe réalisé par Raoul Peck, produit par Raoul Peck ; Madame Hofmann réalisé par Sébastien Lifshitz, produit par Muriel Meynard.

Meilleur court-métrage documentaire

Les Fiancées du Sud réalisé par Elena López Riera, produit par Sylvie Pialat et Alejandro Arenas Azorin

Nommés : Petit Spartacus réalisé par Sara Ganem, produit par Anne Luthaud ; Un cœur perdu et autres rêves de Beyrouth réalisé par Maya Abdul-Malak, produit par Anne-Catherine Witt.

Meilleure réalisation

Jacques Audiard pour Emilia Pérez

Nommés : Gilles Lellouche pour l’Amour ouf ; Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière pour le Comte de Monte-Cristo ; Boris Lojkine pour l’Histoire de Souleymane ; Alain Guiraudie pour Miséricorde.

Meilleur acteur

Karim Leklou dans le Roman de Jim

Nommés : François Civil dans l’Amour ouf ; Benjamin Lavernhe dans En fanfare ; Pierre Niney dans le Comte de Monte-Cristo ; Tahar Rahim dans Monsieur Aznavour.

Meilleure actrice

Hafsia Herzi dans Borgo

Nommées : Adèle Exarchopoulos dans l’Amour ouf ; Karla Sofia Gascon dans Emilia Pérez ; Zoe Saldana dans Emilia Pérez ; Hélène Vincent dans Quand vient l’automne.

Meilleur film

Emilia Pérez produit par Pascal Caucheteux, Jacques Audiard et Valérie Schermann, réalisé par Jacques Audiard

Nommés : le Comte de Monte-Cristo produit par Dimitri Rassam et Jérôme Seydoux, réalisé par Matthieu Delaporte, Alexandre de la Patellière ; En fanfare produit par Marc Bordure et Robert Guédiguian, réalisé par Emmanuel Courcol ; l’Histoire de Souleymane produit par Bruno Nahon, réalisé par Boris Lojkine ; Miséricorde produit par Charles Gillibert, réalisé par Alain Guiraudie.


Bonus : le palmarès des lecteurs de «Libé»

La polémique Emilia Perez autour de son actrice principale Karla Sofia Gascon n’a eu visiblement que peu d’effets sur les lecteurs que Libération a sollicités pour faire leur propre palmarès dans dix catégories. Puisqu’Emilia Pérez gagne cette consultation haut la main avec un doublé pour meilleur film (34 % contre 30 % pour le Comte de Monte-Cristo suivi d’un notable 23 % pour l’Histoire de Souleymane) et meilleure réalisation (carrément 50 %). C’est raccord avec les votes de l’Académie.

Côté acteurs masculins, pas de débat non plus : Pierre Niney est plébiscité avec 40 % des votes pour sa performance dans Monte-Cristo, tout comme Laurent Laffite élu meilleur second rôle à 30 %. Chez les actrices, le match est plus serré mais voit Adèle Exarchopoulous l’emporter (26 %) devant Zoé Saldana (22 %). Dans la catégorie second rôle, Catherine Frot (Miséricorde) devance d’un point, avec 27 % des voix, Elodie Bouchez en lice pour l’Amour ouf. Ils ont tout faux (voir plus haut).

Question scénario original, c’est celui de l’Histoire de Souleymane qui sort du lot en réunissant près du tiers des votes (31 %) loin devant ses concurrents plus rodés. Quant au meilleur documentaire, la Belle de Gaza a convaincu sensiblement la même proportion de votants (34 %). Pour le césar du meilleur premier film, les faveurs de lecteurs de Libé vont sans hésitation vers Vingt Dieux de Louise Courvoisier avec un beau 48 %, devançant nettement le film carton public de l’année 2024, Un p’tit truc en plus d’Artus (36 %). Concernant le meilleur film étranger, là aussi la conviction est forte : les Graines du figuier sauvage de Mahommad Rassoulof est largement en tête avec la moitié des suffrages. Deux bonnes réponses sur quatre pour les lecteurs de Libé, les votants de l’Académie ayant préféré la Ferme des Bertrand dans la catégorie documentaire et pour le meilleur film étranger la Zone d’intérêt. Au global, un pronostic de palmarès certes imparfait mais pas complètement à côté de la plaque et tout à fait honorable.