Le tiercé de tête de la 49e cérémonie des césars ce soir a réalisé un box office supérieur au million d’entrées : douze nominations pour le Règne animal de Thomas Cailley, réalisateur de 43 ans, dont c’est le deuxième long métrage en près de dix ans (les Combattants est sorti en 2014), onze nominations pour Anatomie d’une chute de Justine Triet, 45 ans, palme d’or à Cannes et depuis recouvert de toutes les récompenses possibles et imaginables en attendant une présence aux premières tables des oscars en mars, et neuf nominations pour Je verrai toujours vos visages de Jeanne Herry (45 ans), récit docu-romancé sur la justice restaurative. Cette embellie de fréquentation et de fortune internationale laissera-t-elle de la place aux outsiders Chien de la casse, premier long métrage de Jean-Baptiste Durand ou le Procès Goldman de Cédric Kahn ?
La team Culture de Libération, qui n’est pas du tout membre de l’Académie et donc ne vote pas, ne pouvait s’empêcher de faire son palmarès maison.
Meilleure révélation féminine
Rebecca Marder dans De grandes espérances
L’actrice pensionnaire de la Comédie-Française incarne Madeleine, brillante diplômée de Sciences-Po gonflée d’un idéalisme un brin naïf qu’on rencontre alors qu’elle passe des vacances en Corse chez la famille de son ami. Lire son portrait et la critique du film.
Meilleure révélation masculine
Paul Kircher dans le Règne animal
De son jeune acteur, Thomas Cailley, le réalisateur du film, raconte un Mowgli monté en graine, souple et maladroit à la fois, un être charmant boitillant dans des tongs dépareillées, ne craignant ni le regard porté sur lui, ni le silence, la gêne ou le ridicule. «Il crée systématiquement de l’inattendu. Et comme il est très connecté à ses émotions, c’est à chaque fois très fort.» Lire son portrait et la critique du film.
Meilleure actrice
Sandra Hüller dans Anatomie d’une chute
Son personnage chez Justine Triet, prénommé Sandra comme elle, «très humain, complexe, avec un large éventail d’expressions, d’émotions et de pensées», s’y exprime en anglais (langue-compromis avec son compagnon) et en français (langue-contrainte au tribunal). L’actrice se sent «reconnaissante» de cette expérience de jeu où la langue parlée se fait ressort narratif : «Se sentir attiré ou repoussé, croire l’autre ou ne pas le croire, créer un lien ou non, est-ce une affaire de maîtrise du langage ou est-ce que ça se passe au-delà du registre intellectuel, dans l’émotion pure ? Je trouve cette question passionnante.» Lire son portrait et la critique du film.
Meilleur acteur
Raphaël Quenard dans Yannick
Ce n’est pas une insulte au film que de dire que Raphaël Quenard le porte à bout de bras, puisque Dupieux a écrit ce scénario pour lui, pour sa dégaine, sa façon de parler. Vraisemblant mais toujours doté d’un penchant pour la poésie de l’incongru, Dupieux assouvit à travers son personnage principal le fantasme possiblement universel du spectateur pris en otage par une œuvre, excédé d’avoir fait tout ce chemin et dépensé tout ce blé pour ça, qui se lève et non seulement ne se casse pas mais interrompt carrément le déroulement du spectacle en le prenant à son tour en otage, avec ses acteurs sidérés privés de leurs repères. Lire la critique du film et l’interview croisée de Raphaël Quenard et Quentin Dupieux.
Meilleur premier film
Le Ravissement d’Iris Kaltenbäck
Inspiré d’un fait divers, le Ravissement est l’histoire classique d’un mensonge qui grandit et finit par dépasser son instigatrice. Lydia est sage-femme. Sa meilleure amie est enceinte. Au vrai-faux malentendu qui lui permettra de se faire passer pour la mère qu’elle n’est pas, la cinéaste Iris Kaltenbäck n’apporte ni jugement ni analyse, mais la grâce et le trouble. La superbe de l’actrice Hafsia Herzi frappe encore dans ce premier long métrage, captivante étude sur son sourire laconique, sa manière de bouger les yeux, ces paupières lourdes d’un vécu qu’on ignore. Lire notre critique et l’interview de la réalisatrice.
Meilleur film d’animation
Mars Express de Jérémie Périn
Le premier long métrage d’animation de Jérémie Périn nous envoie avec brio sur la planète rouge en l’an 2200, où deux détectives recherchent une étudiante disparue. Subtil mélange de Blade Runner, Chinatown et du style de Buichi Terasawa, il réussit à se montrer intemporel. Lire la critique du film et l’interview du réalisateur.
Meilleur documentaire
Little Girl Blue de Mona Achache
Mona Achache transforme Marion Cotillard en double de sa mère et fabrique, grâce à une marée d’archives personnelles et un dispositif habile, un objet expérimental passionnant entre documentaire et fiction. Lire la critique du film et l’interview de Marion Cotillard.
Meilleur film étranger
Les Feuilles mortes d’Aki Kaurismäki
Le cinéaste, qui avait assuré prendre sa retraite, réussit son retour avec cette romance entre deux personnages déglingués, sur fond de guerre entre l’Ukraine et la Russie voisine. Mélancolique et irrésistible. Lire la critique du film et le portrait de l’actrice Alma Pöysti.
Meilleure réalisation
Thomas Cailley pour le Règne animal
De retour neuf ans après son premier long métrage, Thomas Cailley enchante avec un blockbuster d’auteur au budget ambitieux. Une fable fantastique où les genres s’hybrident, qui nous place aux premières loges des mutations de l’espèce humaine. Lire la critique du film et l’interview du réalisateur.
Meilleur film
Anatomie d’une chute de Justine Triet
Palme d’or de Cannes, la cinéaste réinvente les codes du thriller judicaire en faisant d’un procès pour homicide le cadre d’une fascinante dissection de l’intimité conjugale. Lire la critique du film, l’interview de Justine Triet et Sandra Hüller et notre analyse sur la polémique après la palme d’or.