Qui n’a jamais rêvé de sortir du confort du bavardage social et policé, d’instaurer les conditions pour qu’une parole vraie émerge, et que cette parole puisse être retenue, enregistrée, entendue ? Qui n’a jamais fabulé qu’un jour, ça arriverait, une vérité éclaterait, le point de vue des autres, des proches, serait enfin perceptible, sans reconstruction, reconstitution, ni fard ? On ne ressasserait plus le passé, on parlerait au présent de ce qui a eu lieu. Ce rêve, c’est souvent la littérature qui l’accomplit, avec le tour de passe-passe que l’écrivain est seul à écrire et à signer son livre. Il ne s’échappe pas de son solipsisme. Ce rêve, Christine Angot l’exauce dans Une famille, son premier film. L’histoire, on la connaît, elle l’a écrite de nombreuses fois, cherchant à chaque fois à élucider différemment ce qui a rendu possible l’inceste, à être au plus proche de ce qu’elle a vécu, mais aussi de ce qui a pu habiter son père, sa mère, ses proches. Dans Une famille, elle revient à Strasbourg, d’abord, où elle a rencontré pour la première fois son père à 13 ans, aujourd’hui décédé. Elle entre avec fracas dans le salon de la femme de son père, elle interroge à nouveau sa mère, son ex-mari, Claude, elle parle avec sa fille. Le cinéma rend tout plus direct – même si on ne se leurre pas, l’image est composée, le
Entretien
Christine Angot : «Entrez dans cette pièce, entrez dans les pièces fermées sur les incestes»
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Violences sexuellesdossier
Christine Angot à Paris, vendredi 15 mars. (Martin Colombet/Libération)
publié le 19 mars 2024 à 16h45
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