La façade blanche élimée, ornée d’un porche et de volets vert pastel, dégage la poésie un peu triste des grandeurs anachroniques. Derrière les portes closes du théâtre, on imagine les projections nocturnes dans la cour, sous le ciel étoilé, quand la chaleur étouffante retombait à Omdurman, la cité jumelle de Khartoum, la capitale soudanaise. Il y a longtemps que la dernière séance s’est tenue, le rideau est tombé sur l’écran.
C’est le projet un peu fou et parsemé d’obstacles de quatre cinéastes vétérans qui rêvaient de ramener cette salle de cinéma délabrée à la vie, que le réalisateur soudanais Suhaib Gasmelbari suit, pendant plusieurs années, dans son premier long métrage sorti en 2019 : Talking About Trees («Parler des arbres»). «Il y avait une vraie culture cinématographique au Soudan. Aller voir un film en famille était plus populaire que le football, dit-il, au téléphone, entre deux déplacements. Des cinémas mobiles circulaient même dans les milieux ruraux, venaient dans les usines. Malheureusement, c’est quelque chose qui a été totalement perdu.» Tourné pour la majeure partie en clandestinité, avec humour et sensibilité, le documentaire raconte l’histoire d’un échec. L’édifice est toujours à l’abandon. Mais, dans une mise en abyme, la quête de ces papis cinéphiles infatigables a contribué à donner un peu de visibilité à un cinéma soudanais qui, comme le pays dont il est issu, tente un nouveau départ. «Ces cinéastes ont été empêchés de