L’an 2021. «Le Réel» en virtuel, deuxième, pour la 43e édition du festival documentaire qui se tient d’ordinaire au centre Pompidou. Boucle du temps réitérée par la pandémie. Voyages immobiles, confinements intenses, ubiquités des mondes lointains, le spectateur et le filmeur se superposent parfois, leurs rôles s’échangent dans cette proximité connue, pressentie par les hommes pressés de rouvrir salles et commerces, réalisée au fond d’un fauteuil, d’un canapé ou d’un lit. Chacun est posté à distance de soi et du reste, le plus possible, afin de bien «y regarder» (à deux fois), tant on sait qu’il est pericoloso sporgersi – à force d’emprunter des trains naguère dont les fenêtres glissières s’ouvraient en respiration à l’air libre, à la vitesse roulante du paysage – comme la fenêtre de l’hôtel japonais où Jean-Claude Rousseau est descendu, grand cinéaste solitaire des vitres bées et des vallées closes, des reflets coulissants et d’un monde flottant, titre de son beau dernier film. Tout ceci, l’isolement accueilli comme une bénédiction, les expériences de demi-veille, est le commun de n’importe quel documentariste lancé en solo et de tout spectateur de festival. On fut donc «en ligne» comme les pêcheurs à la ligne de dos chez Rousseau, ou les nageurs dans l’œil du cyclone Wuhan, sous l’œil familier de la cinéaste Shengze Zhu à sa ville natale, dans l’un des films les plus quiets et puissants du festival : A River Runs, Turns, Erases, Replaces. Tu n’as rien vu à Wu
Cinéma du réel, le champ des partisans
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«A River Runs, Turns, Erases, Replaces», de Shengze Zhu (Burn The Film)
par Camille Nevers
publié le 21 mars 2021 à 20h49
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