Un film d’actrice-autrice accompli, ça faisait un moment, ça manquait. Le film de Rebecca Hall, mieux que cela, est de tout premier ordre. La comédienne «passe» avec armes et bagages derrière la caméra, apparaissant par sous-exposition secrète, elle échafaude une dramaturgie très personnelle au gré d’une histoire qui, sans être la sienne, lui colle à la peau. Car Hall eut un grand-père afro-américain qui effaça l’appartenance à sa race en se faisant passer pour blanc. Passer ailleurs, à l’ennemi, dans un territoire hostile, et brouiller les codes, imposer sa présence (le personnage de Clare) à quelqu’un que son désir terrifie (le personnage d’Irene), voir ce qui résiste, vous happe ou retient, c’est tout l’enjeu de Clair-Obscur, auquel on préfère son titre anglais, Passing. Il n’y a pas de passage sans transgression (pas de passing sans trespassing), interdiction et ségrégation, qui poussent à forcer le passage, à bouger les lignes au risque du trépas. Premier long métrage aussi éloigné que possible de la dernière prestation de Hall dans la maison hantée de la Proie d’une ombre, et des œuvres où généralement elle figure, le film scintille de beautés et de nuances.
Franchir le pas
Passing est l’adaptation d’un roman de l’écrivaine Nella Larsen tardivement traduit en français (quatre-vingt ans a