Voici Robert, voici Doris, enluminés par les saintes couleurs du 16 mm, drôles et beaux comme pas possible dans les plans fixes que leur compose Yolande Zauberman. Trente ans après la sortie du documentaire Classified People, de retour dans les salles en version restaurée, leur amour sourit pareil. Le vieil homme à l’image est métis, si clair qu’il passerait pour blanc, son épouse est noire. Une réalité très réversible dans la société de l’apartheid, apprend-on, puisqu’elle ne renvoie qu’à une étiquette arbitraire, un faisceau d’indices et de critères grotesquement épluchés par l’administration. A l’écran, un avocat nous en détaillera certains avec des airs d’importance, engoncé dans la scénographie d’un bureau où les livres reliés ressemblent à du papier peint. Nous sommes en Afrique du Sud en 1987.
Interview
Jeune cinéaste sans peur ni expérience, quatre ans avant l’abolition de la «loi de classification» raciale du 22 juin 1950, Zauberman partait filmer le pays où noirs, blancs, «coloured», Indiens, vivent encore ségrégués. On le découvre, les Sud-Africains ne sont jamais à l’abri de déchoir de leur assignation ethnique, tantôt recalés à l’examen de blanchité (un crayon passé dans les cheveux pour tester leur texture), tantôt dénoncés et rétrogradés pour leurs «mauvaises» fréquentations.
Dissonance
Avant d’épouser Doris en secondes noces, Robert eut femme et enfants. Tous classifiés blanc,