Pendant la guerre, la vie continue. Truisme que Sergeï Loznitsa figure avec une idée formelle éloquente dans ce long métrage documentaire au dispositif par ailleurs modique – le cinéaste ukrainien, résidant à Berlin, est retourné à plusieurs reprises dans son pays pour filmer, durant deux ans, les populations civiles dans le péril de l’offensive russe sur leur territoire : des plans fixes grouillant de quidams s’activant ici ou là, aux premier, deuxième et troisième plans, dévalant dans toutes les directions, entrant, sortant de l’écran. Invasion contre invasion. La vie au travail, inexorablement.
«Voulez-vous savoir comment la guerre affecte les Ukrainiens ?, interroge le cinéaste dans le dossier de presse. Regardez le film ; regardez attentivement les visages sur l’écran.» Mais les visages se font moins remarquer dans ces tableaux – Loznitsa utilise le mot de «panorama» – que la masse, qui se meut dans toute sa puissance et sa liberté, comme la plus décisive affirmation de son indépendance, de sa légitimité à former une nation.
Saynètes diversement graves
La profusion est aussi celle des décors et des sujets, Loznitsa ayant d’abord monté son matériau, amassé par des équipes expédiées en divers endroits d’Ukraine, jusqu’aux abords du front, et dans divers lieux de Kyiv, en 30 courts métrages distincts. D’où l’impression d’une marqueterie de saynètes