1954, studios d’Universal, Los Angeles. Un grand échalas est engagé après un bout d’essai pour se faire inculquer les rudiments du vedettariat. Entre deux cours de diction, il traîne à cheval dans le back lot de la major, espionnant les tournages. Frappante image du jeune et déjà vieux Clint Eastwood, à qui Bernard Benoliel, directeur de l’action culturelle à la Cinémathèque et déjà auteur d’un premier petit livre sur le sujet aux éditions des Cahiers, lui en consacre un plus long, affranchi à la fois des contingences de la biographie et de celle de la monographie analytique. Découpé en plages temporelles et thématiques se chevauchant parfois, le livre navigue dans les films et les événements avec une espèce de sérénité hypermnésique, un style de professionnel implacable que Clint goûterait volontiers, quoique la facilité presque désinvolte de l’écriture lui inspirerait peut-être la moue de dégoût de Walt Kowalski, son autoportrait de Gran Torino.
Pour toute couverture, un portrait plein cadre tiré du Maître de guerre, sans texte aucun, renfrogné, maquillage camouflage. Image sublime, narquoisement conforme à la caricature virilo-droitière avec laquelle Eastwood aura toute sa vie convolé, luttant ici pour s’en défaire, jouant là à la reconstruire. C’est tout le détestable malentendu sur le prétendu néofascisme de l’Inspecteur Harry, gravé dans le marbre par une campagne de la légendaire critique