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Libération
Fantômes

«De la conquête», de Franssou Prenant : le dey en est jeté

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Des récits glaçants sur la conquête de l’Algérie par la France confrontés à des images du pays d’aujourd’hui : plongée dans un pays hanté par son passé colonial.
Dans «De la conquête», Franssou Prenant juxtapose des images contemporaines d’Alger et de Paris, d'une part, à des lectures de textes par les acteurs de la colonisation de l'Algérie. (La Traverse Films)
publié le 11 octobre 2023 à 12h11

A l’oreille le ton est martial, procédurier. On lit la convention qui signe la reddition du dey d’Alger, le 5 juillet 1830. «Les troupes françaises entreront dans la casbah et successivement dans tous les forts de la ville et de la marine.» A l’image, c’est bien la mer et la baie d’Alger mais le bateau qui entre est un ferry commercial de Neptune Lines. Tout au long du film de Franssou Prenant, des mots d’archives, des paroles écrites ou prononcées lors de la conquête du pays par les Français, se poseront sur des images de l’Algérie contemporaine. Les voix disent la violence («Voilà mon brave ami comme il faut faire la guerre aux Arabes : tuer tous les hommes jusqu’à l’âge de 15 ans») alors qu’en plan fixe, des enfants en maillot de foot dribblent dans les ruelles. A l’écran, un somptueux désert rocailleux, alors qu’à la bande-son, un soldat raconte comment son bataillon a enfumé des centaines de villageois réfugiés dans des grottes. «Comme des renards.»

Ces voix spectrales en surimpression des images de l’Algérie d’aujourd’hui, comment mieux dire que le passé colonial hante encore le présent ? Les hommes qui parlent (par les voix de Jean Rolin ou Marcel Bozonnet entre autres) sont des colonisateurs : simples soldats, administrateurs civils ou célèbres généraux. Ils décrivent «un sol fécond au-delà de toute espérance», disent vouloir effacer toute trace du temps d’avant la conquête : «Nous détruisons un grand nombre de rues d’Alger afin de les r