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«De sang-froid», effroi dans le dos

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Adaptation du best-seller de Truman Capote, le film de Richard Brooks est une mise en tension tenue de bout en bout qui explore le pourquoi et le comment d’un fait divers survenu à Kansas City en 1959.
Scott Wilson et Robert Blake dans le film «De sang-froid» de Richard Brooks. (1967 renewed 1995 Pax Enterprise)
publié le 8 mai 2021 à 15h40

Sur une autoroute glaciale, les phares d’un bus avancent dans la nuit dont ils percent l’encre d’un halo aveuglant. A l’intérieur, un type dans l’ombre gratte sa guitare avec indolence, allume une clope. La flamme éclaire son visage inquiétant, avant qu’il ne soit rendu aux ténèbres, tandis qu’un jazz dissonant libère quelques audaces percussives qui bientôt se fondent au crissement des pneus sur l’asphalte. Dès l’ouverture magistrale de De sang-froid (1967), nous voilà mis au parfum avec ce titre en lettres blanches annonçant la tonalité à venir (noire, évidemment).

Arrivé à destination, Kansas City, le type, brun et trapu, descend du car avec, dans son barda et à fleur de chair, les cicatrices d’une vie de misères et de chimères. Cabossé par un accident de moto, Perry (Robert Blake) sort de taule, il a fait la Corée et se rêve chanteur de charme ou chercheur d’or. A quelques miles, son ancien codétenu, Dick (Scott Wilson), un illuminé aussi volubile que l’autre était taiseux, lâche des sourires mauvais en embarquant le fusil de son vieux dans le coffre de sa Plymouth. Plus loin, à Holcomb, c’est une famille paisible, les Clutter, qu’on retrouve. Le père vient de souscrire une assurance vie, la mère a une petite santé, le fils fume en cachette dans le garage, la fille répond au téléphone. A la gare, le voyageur aussi donne un coup de fil, mais à l’aumônier de la prison dont il vient d’être libéré, en conditionnelle. Clutter se rase dans sa salle de bains, mais c’est l