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Sexisme

Devant et derrière la caméra, les femmes encore et toujours effacées du cinéma hollywoodien

Réalisatrices, monteuses, actrices ou cheffes op : partout, les femmes sont minoritaires dans l’industrie du cinéma américain, révèle une étude, qui souligne aussi la permanence des stéréotypes de genre dans la composition des personnages.
Nicole Kidman dans «Babygirl», Margot Robbie dans «Barbie» et Demi Moore dans «The Substance». (A24. Warner Bros. Metropolitan)
publié le 12 février 2025 à 19h37

Coralie Fargeat est l’exception. Il ne faut surtout pas croire que le succès de son film The Substance est dans la norme. C’est ce que martèlent les chercheurs du Center for the Study of Women in Television and Film, révélant dans leur récente étude annuelle qu’il n’y a eu que 16 % de femmes à la réalisation des 250 plus gros succès du cinéma américain en 2024. Ce déséquilibre criant ne se limite d’ailleurs pas aux réalisatrices, car la parité semble absente à presque tous les postes. Seul élément encourageant : en 2024, dans les 100 plus gros succès du cinéma, il y a eu autant de personnages féminins que masculins à l’écran, alors que les femmes ne représentaient que 28 % des castings en 2023. Mais le chiffre est vite terni par la suite de l’étude, qui montre plus largement que 72 % des films présentent plus de protagonistes hommes que femmes.

Derrière la caméra, aussi, celles-ci sont sous-représentées dans l’ensemble des métiers du secteur. 92 % des blockbusters analysés ne comptaient pas, dans leurs équipes, de femmes cheffes opératrices, et «82 % n’avaient pas de réalisatrices, 76 % n’avaient pas de femmes scénaristes, 75 % n’avaient pas de monteuses». Pourtant, comme le relèvent ironiquement les chercheurs, plusieurs films ont mis en scène, l’an passé, des personnages de réalisatrices. C’est le cas dans The Fall Guy, Maxxxine ou encore de A Family Affair. Mais dans ces œuvres de fiction, celles-ci ne parviennent pas à diriger convenablement leurs équipes, sont dépeintes comme fragiles ou manipulatrices, et ne peuvent se passer de l’aide de leurs collègues masculins pour mener à bien le tournage.

Univers quasi exclusivement masculin

Les femmes sont aussi absentes devant la caméra. Dans 72 % des cas, moins de cinq femmes occupent des rôles importants. Il arrive même qu’il n’y en ait aucune. A l’inverse, dans la grande majorité des films, dix hommes ou plus occupent des rôles prééminents. Le film Napoléon de Ridley Scott en est un exemple flagrant : le film se concentre logiquement sur la figure de l’empereur mais bien que Joséphine, son épouse, ait en principe un rôle majeur, elle est largement en retrait face aux nombreux hommes de l’entourage de Napoléon. De même, John Wick 4 de Chad Stahelski, autre énorme succès et récit d’une impitoyable chasse à l’homme, met en scène un univers quasi exclusivement masculin, reléguant les rares personnages féminins à des rôles secondaires.

En plus de ne représenter qu’un tiers du casting, les femmes sont aussi sous-représentées lorsqu’elles son âgées. Les personnages féminins d’environ 50 ans ne représentent que 6 % des personnages visibles à l’écran, et, à partir de 60 ans, elles ne sont plus que 5 %. A l’inverse, les protagonistes masculins sont 16 % à avoir la cinquantaine, et 9 % à dépasser la soixantaine. C’est ainsi que Robert De Niro, 81 ans, continue d’être à l’affiche de grosses productions comme Killers of the Flower Moon, tandis que les actrices du même âge peinent à obtenir des premiers rôles. En outre, dans les blockbusters de l’année 2024, seuls 17 % des personnages féminins sont incarnés par des actrices noires et seulement 4 % par des actrices latinas.

Piètre représentation

Le statut matrimonial des personnages féminins est explicité dans 70 % des cas, contre 40 % pour les rôles masculins. Les femmes sont aussi moins fréquemment montrées en train d’exercer leur travail (54 % des femmes le sont, contre 65 % des hommes) et elles occupent rarement des postes à responsabilités. Elles représentent 37 % des rôles de leader, contre 63 % des hommes. Ceux-ci sont d’ailleurs surreprésentés dans des postes à responsabilité en milieu professionnel (71 %) ou pour incarner des membres du clergé et des chefs spirituels (87 %). Finalement, ainsi que le souligne l’étude, les femmes sont plutôt identifiées «par rapport à leur relation avec des hommes» tandis qu’eux sont «plus susceptibles d’être identifiés au travers de ce qu’ils font».

La sélection des Oscars illustre cette piètre représentation. Plusieurs réalisateurs, pourtant déjà maintes fois primés se retrouvent à nouveau portés aux nues, nominés, peut-être bientôt oscarisés. Ils sont quatre à briguer le prix de la meilleure réalisation, catégorie où Coralie Fargeat est la seule femme nommée. Sur les dix réalisations concourant à l’Oscar du meilleur film, seul The Substance a été réalisé par une femme – toujours Coralie Fargeat. Pourtant, lorsqu’une femme réalise un film, le casting en devient plus féminin. C’est le cas du film de Greta Gerwig, Barbie, ou encore de The Substance, dans lesquels les rôles principaux sont en grande partie incarnés par des actrices. Par ailleurs, ces productions comptent plus de scénaristes femmes que les films réalisés par des hommes (respectivement 52 % contre 12 %) et plus de monteuses (27 % contre 17 %).