Le style d’un cinéaste est comme un visage. Certains en changent à toute vitesse, d’autres n’en ont jamais eu qu’un. Des balbutiements à la maturité, les traits s’affinent, s’épanouissent, mais on les reconnaît toujours. Quel était le visage de Douglas Sirk ? A jamais associé au mélodrame flamboyant, c’est en épousant les contours de ce genre dont il a exacerbé la forme jusqu’à des sommets de splendeurs colorées et baroques, qu’il s’est affirmé comme auteur. Mais la poignée de chefs-d’œuvre tardifs réalisés entre 1954 (le Secret magnifique) et 1959 (Mirage de la vie – un titre programmatique tant son cinéma n’aura eu de cesse d’attaquer à l’acide les artifices et autres faux-semblants du rêve américain), forment de hautes futaies somptueuses et déchirantes qui toutefois dissimulent une forêt plus vaste encore, d’un éclectisme rare.
Etrange constance
Comédies légères ou grinçantes, polars retors, western, péplum, films d’aventures, historiques, chroniques sociales, mélos exotiques… On est surpris par l’étendue de la palette sirkienne, qu’une riche actualité remet en lumière. Outre la rétrospective à la Cinémathèque française et le livre de l’historien Bernard Eisenschitz, Douglas Sirk, né Detlef Sierck (éditions de l’Œil), ouvrage érudit qui fait la part belle à sa carrière théâtrale très prolifique, la reprise en salles en versions restaurées inédites de ses sept premiers films allemands, réalisés entre 1935 et 1937 pour le studio de la UFA, avant que le cinéaste, inquiété