
Dans l'œil de Libé
EN IMAGES - De «la Poursuite impitoyable» à «The Old Man and The Gun», Robert Redford en huit films
ParService Photo
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Olivier Lamm•
Arthur Cerf•
Elisabeth Franck-Dumas•
Sandra OnanaCheffe de service adjointe - Culture
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Marius ChapuisJournaliste - Culture
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Léo Soesantopublié le 16 septembre 2025 à 18h40
«La Poursuite impitoyable» d’Arthur Penn (1966). Dans une ambiance de western poisseux, Redford interprète un jeune rebelle évadé de prison, poursuivi par un shérif incorruptible joué par Marlon Brando, en pleine phase je-me-fais-casser-la-gueule-à-chaque-film, comme un passage de flambeau entre les deux acteurs. Portrait crépusculaire d’une société rongée par l’alcool, le racisme et la corruption, le cinquième film d’Arthur Penn prépare le terrain pour «Bonnie et Clyde», dont la sortie, un an plus tard, marquera le début du Nouvel Hollywood. (A.Cf)
United Archives/Getty Images«L’Ultime randonnée» de Sidney J. Furie (1970). On se souvient moins, concernant cet ersatz vite fait bien fait d’«Easy Rider» de la performance de Redford que de «Rollin’ Free», la chanson de Johnny Cash composée (avec quelques autres) pour la bande-originale, et de l’affiche, sur laquelle la star encore en devenir apparaissait torse nu. Mais «l’Ultime randonnée» («Little Fauss and Big Halsy» en VO) est aussi resté pour les états d’âme de l’acteur à son sujet, à la limite de regretter d’avoir joué un sale type typique de l’orée des seventies : «Le héros de ce film était un incommensurable connard.» (O.L.)
Paramount Pictures. Ronald Grant Archive/Photononstop«L’Arnaque» de George Roy Hill (1973). Son surgissement à la télévision française des années 80 (en VF, cela va de soi) glamourisait instantanément le tout-venant du PAF avec son entraînante rengaine inspirée des ragtimes de Scott Joplin, ses deux stars à la sexitude mise au carré et son inoffensive et rebondissante intrigue de gangsters bernés dans le Chicago des années 30. «L’Arnaque» réunit quatre ans après «Butch Cassidy» le tandem Newman-Redford devant la caméra de Hill et épingle durablement les taches de rousseurs du second au mur de chambres adolescentes du monde occidental. Le film rafle sept oscars mais Pauline Kael, la pythie du «New Yorker», le déchire dans une critique où elle juge George Roy Hill «implacablement impersonnel». L’on en garde pour notre part le délicieux souvenir d’une bulle de savon. (E.F.-D.)
Bettmann Archive«Les Trois Jours du Condor» de Sydney Pollack (1975). Expédié en mission «sandwich pour tout le monde», un analyste planplan de la CIA échappe miraculeusement à un gang d’hommes masqués qui massacrent ses collègues. Seul, doutant de tous et de tout, en premier lieu de l’agence pour laquelle il travaille, Redford tente de s’évanouir dans New York. Le film de Sydney Pollack reste comme un des chefs-d’œuvre de la grande vague de thriller parano («A cause d’un assassinat», «Conversation secrète») qui s’abat sur le cinéma américain au début des années 70, témoignages d’une époque de doutes radicaux face à un pouvoir pris en flagrant délit de mensonge (le Watergate, le Vietnam…). Beau en diable en homme discret contraint de (se) faire violence, Redford incarne une sorte de figure rêvée de la contestation. (M.C.)
Screen Archives/Getty Images«Les Hommes du Président» d’Alan J. Pakula (1976). C’est la référence du film d’investigation, celui des journalistes avec les pieds sur la table, des rédactions aux airs de ruche affairée, avec fumée de cigarette et sonneries de téléphone intempestives. Instigué par Robert Redford lui-même, obsédé par le scandale du Watergate, le thriller seventies reconstitue, deux ans seulement après l’affaire, l’enquête de Woodward et Bernstein au «Washington Post» qui menait à la démission de Nixon. L’Amérique est scrutée en ses mensonges, le contre-pouvoir des journalistes, héroïsé. Flanqué de Dustin Hoffman, Redford y est un justicier en chemise-cravate, sourd aux intimidations, le héros minéral d’un classique hollywoodien qu’il revisitera dans un téléfilm documentaire trente-sept ans plus tard. (S.O.)
Warner Bros/Collection ChristopheL. AFP«Proposition indécente» d’Adrian Lyne (1993). Dans ce thriller soft porn emblématique du style sexy pubard d’Adrian Lyne et de ce que la critique américaine Karina Longworth a identifié comme les «erotic 90’s», un jeune couple aux abois à cause de la crise (Demi Moore et Woody Harrelson) accepte le pacte immoral proposé par un milliardaire : un million de dollars en échange d’une nuit d’amour avec la femme. Fait rare dans sa carrière, Redford interprète le bad guy par qui arrive la crise (morale, sentimentale, etc.), prêtant le sourire ravageur de ses années de vieux beau à ses noirs desseins (avilir le couple blanc comme neige, passer une nuit torride avec Demi Moore). (O.L.)
Paramount/COLLECTION CHRISTOPHEL«Captain America : le Soldat de l’hiver» (2014) et «Avengers : Endgame» (2019) de Joe et Anthony Russo. Tu quoque, Robert ? Eh oui, même Redford est allé faire un tour de manège numérisé dans deux films qu’il traverse en patron d’agence gouvernementale secrète. Pourquoi donc ? Une version dit que ses petits-enfants rêvaient de le voir dans un film de superhéros. «Je voulais savoir à quoi ça ressemblait et j’en ai eu l’opportunité, donc pour moi, c’était juste aller au devant d’une nouvelle expérience», s’expliquera-t-il. (A.Cf)
Disney«The Old Man and The Gun» de David Lowery (2018). Si «Avengers: Endgame» marque la dernière apparition officielle de Robert Redford au cinéma, on préfère garder ses adieux officiels et programmés dans «The Old Man and The Gun». Conscient de son aura, l’acteur y polit sa légende jusqu’au bout. Au lieu d’être crépusculaire ou fantomatique, Redford y reste doux et crémeux au point d’être insaisissable, dans le rôle d’un braqueur de banques dont le fait d’armes est de n’avoir jamais tiré de coup de feu. Il y emballe Sissy Spacek, fait semblant de monter à cheval pour la première fois et le charme opère toujours. Son ultime politesse ou coquetterie pour partir ? Nous tourner le dos en guise de plan final et laisser comme dernière image celle qu’on se fait dans la tête. Le film s’achève sur un carton et la phrase «il souriait», avec un bruit de clochette, comme lorsqu’on sonne en arrivant à la réception d’un hôtel où peut-être au paradis. Sacré Robert. (Lé.S.)
7e Art. Endgame Entertainment/Photo12. AFP