Menu
Libération
Sélection

«Entre les murs», «l’Emploi du temps », «Foxfire»... Laurent Cantet dans les pages de «Libé»

Auteur de neuf films, le réalisateur français, mort jeudi 25 avril, avait une place à part dans la rubrique ciné du journal.
Laurent Cantet sur le tournage d'«Entre les murs». (Pierre Milon/Haut et Court)
publié le 25 avril 2024 à 20h19

Ressources humaines (2000) : humain, trop humain

Dans ce premier long métrage, où un jeune cadre est affecté à la direction des ressources humaines de l’entreprise où travaille son père depuis trente ans, Cantet réinvente magistralement le cinéma ouvrier. Un regard franc et frontal sur le monde de l’usine ; l’empathie sans pathos dans laquelle il tient chacun de ses personnages ; la netteté et la fraîcheur de sa méthode. Si l’ensemble gagne en efficacité ce qu’il perd peut-être en poésie, l’effet obtenu, par la grâce d’un final bouleversant, n’en est pas moins indélébile. Notre critique.

L’Emploi du temps (2001) : Cantet en tête

Viré de sa boîte, Vincent décide de cacher la vérité à sa famille et entretient pour la galerie l’illusion de son affairement à toutes sortes de responsabilités au sein d’une grande entreprise suisse. Obligé de trouver de l’argent, il contacte d’anciens amis et les arnaque en leur faisant miroiter des placements juteux dans les pays de l’Est. S’éloignant insensiblement d’une problématique sociale, le film s’assombrit et s’enfonce dans des tunnels nettement moins balisés où mieux vaut ne pas s’aventurer si l’on veut pouvoir continuer à se lever le matin. A ce glissement progressif du réel au mental, Cantet fait correspondre un basculement de la lumière ingrate du jour à une nuit glacée et infiniment désirable. Notre critique.

Vers le sud (2006), Cantet dans le désir

Sur fond de tourisme sexuel, Laurent Cantet ausculte les relations de trois femmes mûres et d’un jeune Haïtien, entre rapports de classes et de sexes. Le cinéaste filme un Port-au-Prince emblématique (n’importe quelle La Havane ferait tout aussi bien l’affaire) dans sa coïncidence permanente de richesses fabuleuses et de misères tout aussi incroyables, de libertinage et d’arbitraire, ce qu’on appelait autrefois le contexte politique et social que, fort heureusement, il ne prétend pas surplomber. Notre critique.


Entre les murs (2008), Cantet, la classe !

Primé à Cannes, le film montre un autre visage de l’école, moins désespéré. Où profs et élèves de ZEP deviennent des héros positifs. Sans sombrer dans la béatitude d’un Cercles des poètes disparus de gauche, le film abat les cloisons, ouvre les fenêtres, fait circuler le courant d’air de l’intelligence, donc des doutes, allume la flamme du cinéma, qui mérite ici qu’on l’appelle cinématographe. Notre critique.


Foxfire (2012) entre les meufs

Adaptation d’un roman de Joyce Carol Oates, le film raconte l’aventure communautaire d’un groupe d’adolescentes dans l’Amérique des années 50 qui, en butte au machisme et à l’étroitesse d’esprit d’une petite ville de l’Etat de New York, se regroupent en société secrète et font les 400 coups. S’il témoigne d’un désir de rupture ou de renouvellement, Foxfire traduit la cohérence d’une démarche qui toujours revient arpenter les questions de l’aspiration au collectif, au dépassement des seuls intérêts individuels pour un projet commun, effort que la fiction regarde se construire et se défaire, à chaque fois selon des modalités imprévues et bouleversantes. Notre critique.


Retour à Ithaque (2014), Ulysse au pays des merveilles

Dans cette sorte de huis-clos en plein air, Retour à Ithaque met en scène une bande d’amis se réunissant sur un toit-terrasse surplombant La Havane, pour célébrer le retour de l’un d’eux après seize ans d’exil en Espagne. Les conversations d’abord badines sur la jeunesse perdue deviennent plus graves au fil des heures et du whisky. Se concentrant sur les visages et la parole, l’ensemble fait ressentir le poids des désillusions, les blessures infligées par un désir utopique très vite malmené. Notre critique.


L’Atelier (2017), une classe au-dessus

Une romancière incarnée par Marina Foïs anime un groupe de jeunes en déshérence, débouchant sur un conflit incertain et complexe avec un garçon sensible aux thèses de l’extrême droite. avec l’Atelier, des coudées au-dessus d’Entre les murs, car irrésolu, Cantet continue d’inventer un cinéma qui échappe à tout message, à toute thèse, et qui ne se laisse attraper par aucun filet idéologique. Un cinéma joyeusement politique. Lire notre critique.


Arthur Rambo (2021), ascension à la marche

Inspiré de l’affaire Mehdi Meklat, le film revient sur les quelques heures qui suffisent à faire basculer la carrière naissante d’un jeune auteur adulé au moment de la découverte de son compte Twitter outrancier. Le film se développe en un quasi-polar nerveux, construit sur la nébuleuse résolument opaque qui entoure les motivations de Karim D. Lire notre critique.