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Hi-han

«Eo»: Skolimowski en plein dans la mule

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Lauréat du prix du Jury à Cannes, le Polonais embrasse le chemin semé de mille embûches d’un âne aux yeux doux, imaginant dans un film à la folle liberté virtuose un cinéma animiste qui ne place plus l’homme au centre.
On défie quiconque de ne pas verser des torrents de larmes à chacun des plans montrant l’endurance sans phrase de ce pauvre quadrupède. (Aneta Gebska i Filip Gebski)
publié le 19 mai 2022 à 20h09
(mis à jour le 28 mai 2022 à 22h40)

«J’ai conscience de mon talent, et après m’être juré de ne plus jamais faire un film aussi nul que Ferdydurke, j’étais sûr désormais, en m’y remettant, de ne pas me planter, du moins qualitativement.» C’était en 2011 et Jerzy Skolimowski, l’homme déjà de tant de vies et métamorphoses stylistiques (Deep End, Travail au noir…) qui avait arrêté de tourner pendant une dizaine d’années pour se consacrer entièrement à la peinture, répondait aux questions de Libé pour la sortie d’Essential Killing. Dans ce film à la limite de l’expérimental comme le sera encore le suivant, le fractal 11 minutes, Vincent Gallo crapahutait comme un perdu pendant 1 h 30 sans dire un mot tel une bête traquée. Dix ans plus tard, le cinéaste polonais, 84 ans désormais, est en compétition à Cannes avec Eo, ou Hi-han, une réécriture complète, à la fois fidèle et sacrilège, d’un de ses films favoris, Au hasard Balthazar de Robert Bresson. Hier l’homme animalisé dans sa fuite, aujourd’hui l’animal humanisé dans son errance ? Quelque chose de cet ordre si l’on veut bien considérer que le pari de Bresson était de raconter un chemin de croix silencieux par les yeux d’un âne au regard