«Tout le monde aime Touda.» C’est le chauffeur de salle d’un cabaret huppé de Casablanca qui le dit pour introduire son concert, il a raison – même s’il n’a aucune idée de qui elle est ni du genre de musique qu’elle joue. Tout le monde aime Touda, tout le monde aime la regarder danser et l’écouter chanter les scies chaâbi à la mode, les hommes comme les femmes qui la couvrent de dirhams en tournoyant autour d’elle sur la piste de danse. La question brûlante, tragique, la concernant, concernant le Maroc, qui nous concerne nous qui regardons avec un mélange d’admiration et d’effroi, étant : pourquoi l’aiment-ils ?
La scène d’introduction du film de Nabil Ayouch raconte et montre Touda performant en plein air, entourée d’hommes concupiscents, qui finissent par la violer. Un début de réponse pour ce portrait pourtant très peu édifiant, résolument ouvert dans son récit, d’une musicienne ardente, dévorée par la passion de son art, et qui pour le pratiquer doit se mettre en danger corps et âme, au mépris d’une société qui la piétine et ne peut se passer d’elle. Impossible réalité de l’art au Maroc, qui a fait des cheikhats, ces musiciennes port