Barbie nous a peut-être fait croire que les femmes occupaient enfin le devant de la scène dans le cinéma mainstream hollywoodien. Mais la poupée ne serait que l’arbre qui cache une forêt d’inégalités. Selon un rapport de l’Annenberg Inclusive Initiative, les productions américaines à succès ne seraient non seulement pas à la pointe de la diversité, mais la représentation féminine aurait également chuté significativement depuis l’année passée. Un constat contre-intuitif, à l’heure où les enjeux de féminisation et de représentation des castings sont particulièrement portés dans le débat public à Hollywood (médiatisés par la campagne devenue virale #Oscarssowhite en 2016). Voire à l’origine d’une guerre culturelle autour du virage inclusif de l’empire Disney, jugé trop «woke» pour ses détracteurs.
Pour établir son rapport, le think-tank de l’Université de Californie du Sud a examiné «1 700 films populaires» – soit les cent films qui ont le plus cartonné en salle pour chaque année de 2007 à 2023, ce qui laisse de côté les productions des plateformes de streaming. Les personnages principaux et secondaires de ces films plébiscités ont été caractérisés et séparés par genre, ethnicité et âge.
Les femmes américaines autochtones extrêmement sous-représentées
Le think-tank publiait aussi un rapport sur la représentation des peuples américains autochtones en octobre 2023, à l’occasion de la sortie de Killers of the Flower Moon de Martin Scorsese, qui porte sur le massacre de la tribu des Osages au cours du «Règne de la terreur» et la spoliation de leurs richesses pétrolières. Si son actrice principale d’origine blackfeet, Lily Gladstone, nommée à l’Oscar de la meilleure actrice, est entrée dans l’histoire des récompenses, le nombre de femmes autochtones vues sur grands écrans est rachitique.
Moins de 1 % des 1 600 films les plus populaires de 2007 à 2022 comptaient un personnage féminin autochtone ayant une ligne de dialogue. Part ailleurs, l’étude évalue à moins de 0,25 % la part des rôles parlants attribués à des personnages autochtones dans le cinéma populaire de ces seize dernières années. Et parmi les différentes années, le pourcentage de personnages amérindiens est passé de 0,12 % en 2017 à 0,08 % en 2022.
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Même constat global de manque de représentation dans l’étude portant uniquement sur l’année 2023, soulignant que les «gros» studios «n’ont pas fait grand-chose ou ont fait marche arrière en matière d’inclusion». L’année 2022 fut pourtant favorable aux femmes, avec 44 % de protagonistes féminines à l’écran. Mais en 2023, ce chiffre retombe à 30 %.
Trois d’entre elles seulement étaient interprétées par des actrices de 45 ans ou plus : Keri Russell dans Crazy Bear, Nia Vardalos dans Mariage à la grecque 3 et Salma Hayek dans Magic Mike : Dernière Danse. Chez les hommes, 32 films comportaient un protagoniste masculin de plus de 45 ans. Pour un film ayant une femme de plus de 45 ans pour tête d’affiche en 2023, on en trouvait donc dix avec un homme du même âge.
Les hommes blancs plus âgés ont joué 24 fois plus souvent que les femmes du même âge issues d’une minorité
Pour ce qui est de la diversité ethnique, l’étude a identifié les castings en fonction de leur couleur de peau, différenciant les personnes «sous-représentées» et «surreprésentées». Sur les 100 films les plus populaires de 2023, 37 % comportent un premier ou second rôle interprété par une personne issue d’une minorité. Parmi eux, la minorité la mieux représentée est celle des acteurs noirs (39,5 %), puis les acteurs «multiraciaux», puis asiatiques, latino, et les moins bien représentés sont les acteurs du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, qui représentent seulement 2,6 % des minorités à l’écran.
L’étude souligne que, si ces chiffres connaissent une hausse entre 2022 et 2023 (le nombre de films avec des protagonistes issus de minorités passe de 32 à 37), ce n’est pas du fait des gros studios américains, mais plutôt des productions indépendantes ou coproductions internationales. Elle met également en lumière que, «sans surprise», les hommes blancs sont bien plus représentés que les femmes toutes ethnies confondues, en particulier lorsque la question d’âge s’additionne à celle du genre et de la couleur de peau. En 2023, d’après l’échantillon retenu, un seul film avait pour protagoniste une femme de couleur de plus de 45 ans, contre un total de 24 films mettant en scène un homme blanc de 45 ans ou plus. Les hommes blancs plus âgés ont ainsi joué 24 fois plus souvent en 2023 que les femmes âgées issues de minorités.